Place à la volonté, non à la rhétorique

L'agenda du G20, le 2 avril, est conséquent, mais ce sommet ne sera toutefois analysé que sous un seul angle : les dirigeants parviendront-ils à proposer une solution capable d'enclencher le rétablissement de la confiance dans l'économie mondiale ? A bien des égards, nous ne partons pas vainqueurs. La confiance du marché ne cesse de s'effondrer, alors que la crise s'aggrave, chaque trimestre révélant des résultats encore plus négatifs que le précédent, et le chômage continuant inexorablement de grimper de mois en mois. En outre, le scepticisme de certains a été amplifié par la divergence des diverses positions nationales, annoncée avant le sommet.

D'un autre côté, les raisons ne manquent pas de se montrer optimiste. Nous avons affaire à une nouvelle génération de dirigeants mondiaux qui a démontré sa volonté de prendre des mesures décisives pour soutenir la croissance économique, y compris la plus grande relance fiscale coordonnée depuis la seconde guerre mondiale. Si cela n'avait pas été fait, près de 20 millions de personnes supplémentaires auraient perdu leur emploi, selon le FMI.

Une autre avancée positive réside dans le fait que le monde prenne de plus en plus goût à la coopération. Lors de leur réunion du 14 mars, les ministres des finances du G20 se sont engagés dans une coopération transfrontalière sans précédent, définissant des principes clairs pour gérer les actifs toxiques des bilans des banques d'importance mondiale, et pour engager une réforme audacieuse des institutions financières internationales.

Notre défi est d'aller encore plus loin. Dans les années 1930, Franklin Roosevelt avait déclaré que "ce n'était pas les beaux discours qui allaient ramener la prospérité". De la même façon, aujourd'hui, les marchés ont besoin d'action, non de rhétorique. Notre objectif doit être de construire "la base rationnelle de la confiance". Il s'agit d'améliorer de façon soutenue le sentiment de marché, en s'appuyant sur d'importants programmes d'action et sur des stratégies visant à répondre aux causes fondamentales de la crise, et de définir l'itinéraire à suivre jusqu'à la reprise.

Nous savons désormais quels sont les éléments à l'origine d'une stratégie d'une telle ampleur. Désormais, le principal enjeu est celui de la volonté politique.

Premièrement, les dirigeants doivent démontrer une volonté d'adapter leur réponse politique à l'étendue de l'aggravation de cette crise. Nous sommes confrontés à la perspective d'une récession plus sévère et plus longue que nous ne l'avions envisagé. Nous n'en mesurions même pas encore l'ampleur en ce début d'année. Le FMI prévoit désormais une croissance mondiale de - 0,5 % à moins - 1 %, soit la première contraction de l'économie mondiale depuis le conflit de 1939-1945, le risque étant que cette perspective se dégrade encore davantage.

Ce serait s'aventurer en territoire inconnu, et dangereux. Il y a deux semaines, les ministres des finances ont fait preuve de beaucoup de détermination et se sont engagés à "prendre toutes les mesures nécessaires, jusqu'à ce que la croissance soit rétablie". Depuis, beaucoup de choses ont été dites sur les différences d'approche fiscale des principales nations. Pourtant, les gouvernements ont déjà pris des mesures coordonnées, en injectant près de 780 milliards de dollars, soit 1,8 % du PIB mondial, dans l'économie mondiale en 2009. Ce geste est sans précédent et n'est pas négligeable.

Deuxièmement, il est indéniable que ce sont les dirigeants européens et américains qui ont donné l'élan nécessaire à la réorganisation des réglementations financières mondiales, afin de répondre aux échecs qui nous ont conduits à cette crise. A Londres, les dirigeants mesureront les progrès réalisés sur les 47 éléments du plan d'action de Washington, ce qui renforcera fondamentalement le cadre mondial de réglementation. Encore une fois, c'est une belle réussite.

Troisièmement, les dirigeants devront s'entendre sur le financement et les réformes du FMI, en se basant en partie sur l'expérience des pays en développement lors des précédentes crises. Ces réformes réorganiseront de façon radicale ces institutions et leur donneront les capacités de gérer les enjeux financiers et économiques du XXIe siècle.

Quatrièmement, les dirigeants devront s'assurer que des mesures à la fois soutenues, rapides, décisives et concertées soient prises à l'échelle mondiale pour rétablir les prêts et gérer les actifs toxiques des bilans des banques mondiales. Le programme d'investissement public-privé que le secrétaire au Trésor américain, M. Geithner, a annoncé le 26 mars, est une étape importante vers le rétablissement de la confiance envers le système bancaire mondial. Cependant, alors que les problèmes des pays avancés commencent à être maîtrisés, les systèmes bancaires des pays en développement vont être confrontés à des pressions grandissantes, non sans répercussions sur les banques occidentales exposées aux marchés émergents. A Londres, les dirigeants devront se mettre d'accord sur la gestion des actifs compromis, s'entendre sur les mécanismes de coopération à travers le Forum de stabilité financière et le FMI, et sur le soutien à apporter aux pays en développement.

Enfin, il faut que nous nous fixions une limite pour éviter un retour au protectionnisme : qu'il s'agisse de biens physiques ou de nouvelles formes de protectionnisme financier, auquel nous sommes confrontés. Ces cinq éléments constituent l'essentiel du programme concret visant à rétablir la confiance. L'histoire ne s'est pas toujours montrée clémente envers la précédente génération de dirigeants, qui s'étaient également réunis à Londres et n'étaient pas parvenus à aboutir à un accord lors de la Conférence économique et monétaire mondiale de 1933. Trois quarts de siècle plus tard, cette réunion et ses conséquences jettent encore une ombre sur les dirigeants d'aujourd'hui.

Mais nous ne devons pas laisser l'ampleur des défaites passées, la difficulté des défis à venir, ou même le compréhensible cynisme qui accueille souvent la plupart des processus politiques internationaux obscurcir l'essentiel, c'est-à-dire un effort de coopération mondiale sans précédent. Pour la première fois, des pays à la fois développés et en développement sont réunis, de l'Amérique capitaliste à la Chine communiste en passant par le plus grand pays musulman du monde, l'Indonésie : ils représentent 90 % du PNB et 80 % du commerce mondiaux. Qu'il y ait eu des désaccords en chemin est anodin. Il est remarquable, par contre, que nous travaillions ensemble à la réalisation d'un même objectif - le rétablissement de la confiance - auquel nous devrons aboutir à Londres.

Kevin Rudd, premier ministre australien.