Ah! Si Mariano Rajoy avait émigré en Suisse…

Dommage que les parents du chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, n’aient pas émigré de Galice en Suisse comme les miens. Il aurait certainement géré avec plus d’habileté la crise catalane.

Dans les années 1960, quand la génération de mes parents a débarqué chez vous, elle a goûté à un fruit qui lui était défendu de toucher dans l’Espagne franquiste qu’elle venait de quitter: la démocratie. Surprise, elle vous a observés quand vous vous rendiez plusieurs fois par an dans les bureaux de vote pour y exprimer vos opinions sur des sujets aussi divers que la lutte contre l’alcoolisme ou la pollution des eaux.

La fébrilité des dimanches

Incrédules, ils n’ont pas tardé à devenir eux-mêmes un enjeu électoral, quand vous avez été appelés à vous prononcer sur leur présence dans votre pays. Je me souviens de la fébrilité de ces dimanches de 1970 et de 1974 quand nous attendions les résultats des deux initiatives Schwarzenbach et surtout du grand soulagement ressenti quand la télé nous a annoncé que nous ne devions pas faire nos valises.

Grace à l’émigration, la génération de mes parents, celle qui avait grandi dans l’Espagne de l’après-guerre civile, a découvert que la démocratie n’était pas cette invention diabolique dont on leur avait parlé au pays. En Suisse, vous débattiez sans rompre définitivement avec votre famille, vous faisiez campagne sans cogner sur le poseur d’affiche de l’autre camp et vous exprimiez vos opinions sans renverser le caquelon à fondue au centre de la table.

«Cosas de Suizos»

Quel dommage que les parents de Mariano Rajoy n’aient pas émigré comme les miens à Delémont. Là, leur fils aurait vécu en immersion totale l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Celui du 23 juin 1974, quand vous, Jurassiens, avez choisi démocratiquement de vous séparer de Berne pour créer votre propre canton.

Pendant les années qui ont précédé cette votation, je me souviens que nous suivions le défilé de la Fête du Peuple depuis nos fenêtres. Vous étiez des dizaines de milliers à manifester pacifiquement dans les rues en criant «Jura libre!» et vous vous retrouviez ensuite sous la grande tente du château pour danser comme les Galiciens lors de leurs fêtes de village.

Dans cette ambiance, le jeune Mariano Rajoy se serait peut-être identifié comme moi à la cause jurassienne. A dix ans, mes camarades des juniors E des SRD (club de football de Delémont) avaient détruit un drapeau bernois lors d’un arrêt sur les bords du lac de Bienne, en route pour un tournoi à Genève. Je m’étais joint à eux en désobéissant à mes parents qui ne voulaient pas se mêler à ces «cosas de Suizos», ces affaires de Suisses qui ne nous concernaient pas. Je suis conscient que ma description de ces années-là peut paraître romantique, qu’il y a aussi eu des débordements, des dérapages, des affrontements. Mais la solution est passée par la démocratie. Mariano Rajoy l’aurait sans doute appris.

Apprendre de l’expérience du Jura

Quel dommage vraiment qu’il n’ait pas grandi dans ce canton du Jura en construction. Au début des années 1980, il aurait pu observer de sa fenêtre, comme moi, plusieurs dizaines de personnes qui défilaient en agitant la «senyera», le drapeau catalan. Le nouveau-né qu’était le canton du Jura rendait hommage à la soif de liberté qu’il partageait avec la Catalogne. Il inaugurait une place dédiée au «pays catalan» sur notre terrain de jeu du quartier. Ce jour-là, M. Rajoy aurait peut-être compris que les Espagnols, comme vous les Suisses, ne parlent pas tous la même langue et n’ont pas forcément les mêmes drapeaux.

Oui, vraiment quel dommage que Mariano Rajoy n’ait pas émigré dans le Jura. Il n’aurait certainement pas saisi le Constitutionnel en 2006 pour bloquer le nouveau statut d’autonomie approuvé par les Catalans. Il aurait su qu’il ne faut pas jouer avec le feu, avec les sentiments profonds d’un peuple. Sans doute aurait-il évité l’envoi de la police contre les électeurs du référendum du 1er octobre. Il aurait appris dans le Jura que le recours à la répression est un aveu de faiblesse, une erreur.

Hélas, Mariano Rajoy n’a pas émigré. Dommage, car s’il avait grandi en Suisse, le débat aujourd’hui ne porterait sans doute pas sur l’indépendance de la Catalogne, mais sur la manière de lui faire une place au sein de l’Espagne. Comme la Confédération avec mon Jura natal.

Antonio Rodriguez, journaliste né à Delémont.

1 comentario


  1. Empiezo a considerar muy seriamente la posibilidad de que el nacionalismo dañe gravemente el cerebro.
    No hay un solo punto en común entre Suiza y España. Ninguno. Hablamos de una confederación que fracasó políticamente para acabar convirtiéndose en federación. Hablamos de cantones con lenguas distintas que no disfrutan, como es el caso de España, de una lengua común.
    Y ya en el colmo de la estupidez, este señor se permite comprar la creación de un nuevo cantón (Cantón de la Jura) con la secesión de una parte del territorio español.

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