Amazonie : «La jungle se consume et les hommes se taisent»

Dans l'Etat d'Amazonas, au Brésil, samedi.Photo Lula Sampaio. AFP
Dans l'Etat d'Amazonas, au Brésil, samedi.Photo Lula Sampaio. AFP

L’Amazonie est en flammes. La forêt se délite, dévorée par un feu que rien ne semble pouvoir arrêter. La danse funeste des flammes détruit une faune et une flore fragiles et précieuses. Du fait de la sécheresse et du dérèglement climatique, les brûlis pratiqués par les propriétaires terriens deviennent rapidement des feux de forêts hors de contrôle. La monoculture qui s’y pratique en lieu et place d’une abondante biodiversité offre un terrain idéal au feu pour une propagation sans obstacles. Ainsi, selon l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), près de 79  513 départs de feu ont été enregistrés entre janvier et août 2019. Nous sommes en train de perdre une biodiversité amazonienne vieille de 55 millions d’années et nous ignorons le drame alors que nous en connaissons les conséquences. Nous y participons. De même, la forêt tropicale subsaharienne est également en proie à de terribles feux de forêts.

Tandis que la jungle se consume et que les hommes se taisent, certains d’entre nous paniquent. L’Amazonie, ce n’est pas que des arbres. L’Amazonie est le poumon de la Terre. L’Amazonie est l’habitat de nombreux peuples. Comment voulons-nous que le vivant persiste sans poumons  ? Comment, dans une situation climatique catastrophique, pouvons-nous nous permettre de laisser s’envoler en fumée notre puits de carbone terrestre le plus important  ?

Ce cri d’alarme, nous le lançons depuis des jours, pourtant nous sommes ignorés. Il a fallu attendre plus de deux semaines pour que le président Macron dénonce les faits. Plus de deux semaines pour que les médias se saisissent du sujet. Plus de deux semaines pour que l’opinion publique soit informée de la situation.

Nous vivons une crise climatique, le défi le plus fondamental auquel l’humanité ait jamais eu à faire face. Dans un monde hyperconnecté où l’information circule à une vitesse folle, n’est-il pas ahurissant de constater un tel manque de considération pour les éléments importants, ceux qui concernent la vie sur Terre, tandis qu’on consacre des ressources démesurées au marché  ? Le système économique nous impulse des priorités qui ne devraient pas être les nôtres. Basé sur la croissance et le libre-échange, il est responsable de la déforestation de l’Amazonie. La protection des vivants ne devrait même pas être un sujet de négociation, à tous égards. Les producteurs déforestent, sans hésitation en voyant l’afflux de commandes occidentales et chinoises. Sans limites. Les dirigeants considèrent l’intérêt économique à court terme plus important que le vivant. Mais à quoi serviront la croissance économique et les emplois non-durables créés dans un monde qui ne réunit plus les conditions d’habitabilité de la planète  ?

Ce conflit contre les feux et la déforestation en Amazonie est vital, et il est mondial. Il touche chaque être vivant sur cette Terre. Mais il est vain si nous ne changeons pas collectivement notre manière de consommer et de produire. La croissance économique ne doit plus être l’objectif. Nous croyons en d’autres croissances. Que ce soit la croissance du bonheur, de la paix, de la biodiversité, des égalités. Ce sont des croissances bien plus importantes que celles des richesses artificielles, toujours accaparées par les mêmes personnes. Nous voulons des croissances qui ne font pas croître un PIB, mais une espèce tout entière, l’humain. Nous avons besoin que notre civilisation vive en harmonie avec son environnement et les autres espèces.

Le combat contre cette société libérale et consumériste commence maintenant. Réduisons nos productions, et faisons en sorte qu’elles ne détruisent pas les écosystèmes. Nous demandons à la France et à l’Union européenne de respecter un devoir de vigilance en contrôlant les produits entrants et en prohibant ceux qui ne sont pas respectueux de l’environnement.

La France doit enfin prendre ses responsabilités en Guyane, en matière d’artisanat et d’industrie de l’or. En premier lieu, les moyens pour lutter contre l’orpaillage illégal, qui contamine les fleuves au mercure, sont largement insuffisants. En second lieu, c’est plus de 360  000 hectares en permis miniers d’exploration et d’exploitation qui ont été accordés à des multinationales. Ces projets miniers sont extrêmement polluants, notamment à cause de l’arsenic, du cyanure et d’autres métaux lourds –  en outre, ils conduisent également à des déforestations. Rappelons que 50 % de la biodiversité française se situe en Guyane – la seule forêt tropicale (humide) et primaire de l’Union européenne. De même, selon Catherine Latreille, directrice de l’Office national des forêts de Guyane, interrogée par France-Guyane  : «Si des incendies d’une telle ampleur (c’est-à-dire, de l’ampleur des feux qui ont actuellement lieu en Amazonie brésilienne et dans les pays limitrophes) se déclaraient dans notre forêt, nous n’aurions clairement pas les moyens de lutter.»

L’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne doit quant à lui être abandonné sans délai. Emmanuel Macron a fait un premier pas dans ce sens. Cependant la politique libérale du gouvernement français et de l’Union européenne ne sera jamais compatible avec une politique environnementale juste. Nous le disons haut et fort, le productivisme n’est ni une solution pérenne, ni durable et envisageable.

Mais ne nous leurrons pas, ces mesures n’auront aucun impact à long terme. Même si tous les pays respectaient l’accord de Paris, nous irions vers un réchauffement de 3 °C en 2100. Cela serait tout simplement catastrophique et synonyme de la disparition d’une part significative de l’humanité et plus généralement du vivant. Nous devons changer de système économique. Nous devons changer de philosophie politique. Nous devons changer d’éthique dans notre rapport à la nature.

Ce changement, nous le voulons social, écologique et démocratique. Alors dès demain, sensibilisons la population aux problèmes environnementaux. Soutenons les initiatives pour le climat et la biodiversité, telles que la campagne #Act4Amazonia, ou la convention citoyenne pour le climat, et ses 150 citoyens tirés au sort qui donneront des mesures concrètes pour enrayer la crise climatique. Commençons à rejoindre les assemblées citoyennes près de chez nous. Mobilisons notre famille, nos amis, nos collègues, nos voisins, et hâtons-nous à la tâche pour arrêter ensemble l’écocide et construire un projet qui favoriserait une harmonie durable entre une humanité apaisée et une nature respectée. Commençons à construire ce projet qui permettra aux générations futures de vivre, simplement.


Signataires :

Politiques : Martine Wonner (députée LREM), François Ruffin (député LFI), Christophe Bouillon (député PS), Cécile Untermaier (députée PS), Joël Labbé (sénateur écologiste), Eric Piolle (maire de Grenoble EE-LV), Marie Toussaint (députée européenne EE-LV), Eric Andrieu (député européen PS), Karima Delli (députée européenne EE-LV), Pierre Larrouturou (député européen Nouvelle donne, économiste), Manon Aubry (députée européenne LFI), Michèle Rivasi (députée européenne EE-LV), Aurore Lalucq (députée européenne Place publique), Damien Carême (député européen EE-LV), Mounir Satouri (député européen EE-LV), Raphaël Glucksmann (député européen Place publique, essayiste), Salima Yenbou (députée européenne EE-LV), Younous Omarjee (député européen LFI), Caroline Roose (députée européenne EE-LV), Julien Bayou (porte-parole de EE-LV), Sandra Regol (porte-parole, secrétaire nationale adjointe d’EE-LV), David Cormand (secrétaire national, député européen EE-LV), Loïc Prud’homme (député LFI), Yannick Jadot (député européen EE-LV), Aline Mouquet (co-présidente de Nouvelle donne), Anne Hessel (co-présidente d’honneur de Nouvelle donne), Danièle Obono (députée LFI), Benoît Biteau (député européen EE-LV, agronome), Gwendoline Delbos-Corfield (députée européenne EE-LV).

Personnalités : Bruno Léchevin (ancien président de l’Ademe et délégué général du Pacte finance-climat), Cyril Dion (réalisateur et écrivain), Lucie Lucas (comédienne), Benjamin Carboni (comédien), Julie Bernier («Sortez tout vert», vidéaste), Henri Poulain (réalisateur, producteur), Yacine Ait Kaci (dessinateur, président de la Fondation Elyx), Jean-Pierre Goux (écrivain et cofondateur de Blueturn), Magali Payen (fondatrice On est prêt ! et premier soutien de l’Affaire du siècle), Julien Wosnitza (fondateur de Wings of the Ocean).

Organisations et collectifs : Collectif «Or de Question», Maiouri Nature Guyane, On est prêt !, all4trees, Coeur de forêt, Forestever.

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