Amérique latine et Caraïbes : investir dans un avenir plus durable pour tous

Après une période de forte croissance économique, la région Amérique latine et Caraïbes connaît aujourd’hui une baisse de régime. Dans un contexte de reprise mondiale médiocre et incertaine, de nombreux pays de la région subissent les effets combinés de la baisse des prix des produits de base (qui avaient atteint des niveaux records au cours de la décennie précédente) et du fléchissement des entrées d’investissement direct étranger (IDE).

Pour la première fois depuis dix ans, la croissance du produit intérieur brut (PIB) moyen de la région sera, en 2014, inférieure à celle de la zone OCDE. Les observateurs d’un certain âge, qui ont vu au cours de leur vie notre région subir, non pas un, mais plusieurs cycles d’essor et de récession, peuvent se demander si elle est par nature condamnée à reproduire ce scénario décevant. Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes errent dans un labyrinthe d’où partent des sentiers qui peuvent conduire, soit à la répétition des erreurs du passé, soit à une croissance forte, durable et inclusive.

Leur capacité à stimuler l’économie par la demande reste très limitée. À l’exception du Chili et du Pérou, en mesure d’assurer une relance budgétaire qui contribuera à la croissance en 2015, les pays de la région présentent en matière budgétaire des règles ou des déséquilibres importants qui ne leur laissent guère de marge de manœuvre. De même, les possibilités de relance monétaire complémentaire sont réduites.

Labyrinthe

La plupart des pays, à l’exception du Brésil, devraient conserver des politiques monétaires accommodantes. Pour sortir de ce labyrinthe, la région devra donc procéder à d’importantes réformes structurelles, assez similaires à celles qui sont actuellement envisagées en Europe pour renforcer la productivité et garantir des bénéfices durables. Dans le contexte latino-américain, toutefois, les réformes doivent aussi tenir compte des priorités que constituent la réduction des inégalités, le renforcement des institutions et le souci d’un développement plus durable.

Certaines mesures axées sur l’offre, comme l’amélioration de la qualité de l’éducation, pourraient présenter le double avantage d’accroître la productivité de façon inclusive, mais il faudra des années pour qu’elles portent leurs fruits. Investir dans les compétences par la formation pourrait cependant offrir une solution simple et très efficace, aux effets plus rapides, qui permettrait aussi de faire face au problème de l’économie informelle.

Il existe à l’intersection de l’offre et de la demande un ensemble de réformes susceptible de stimuler la croissance à court comme à long terme. Nos travaux montrent que la réalisation d’investissements dans l’amélioration des infrastructures serait l’un des choix les plus avisés que puissent faire pour l’heure les pays d’Amérique latine et des Caraïbes.

Notre région présente d’importants déficits d’infrastructures par rapport aux régions plus riches. Il nous faudrait investir 5 % environ de notre PIB, en faisant appel à des ressources publiques et privées, pour étendre, améliorer et entretenir les infrastructures – soit 300 milliards de dollars [266,4 milliards d’euros] par an environ – alors que nous atteignons à peine la moitié de cette somme en moyenne. Les coûts logistiques et de transport sont deux fois plus élevés que dans les pays de l’OCDE.

Sans pression sur l’environnement

Le manque de fiabilité des réseaux d’électricité entraîne un manque à gagner de plus de 17 milliards de dollars [15,1 milliards d’euros] par an. Dans les grandes villes, la médiocrité des transports publics fait perdre aux citoyens l’équivalent de dix semaines par an en trajets domicile travail. L’investissement dans le développement des infrastructures peut contribuer efficacement à promouvoir une croissance plus inclusive.

L’accès généralisé aux services d’infrastructure comme l’électricité, l’eau, les installations sanitaires, les transports et les télécommunications jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté et l’atténuation de l’exclusion sociale et des inégalités de revenu. Au niveau des entreprises, les services d’infrastructure facilitent la production, le transport et les transactions bénéfiques pour la croissance, ce qui contribue à la hausse des revenus et à la réduction de la pauvreté.

À ces difficultés s’ajoute le fait que l’Amérique latine et les Caraïbes soient confrontées au besoin de moderniser leurs infrastructures sans exercer de pression excessive sur l’environnement. Le projet Camisea d’exploitation de gaz naturel dans la forêt amazonienne au Pérou et le projet hydroélectrique du Reventazón au Costa Rica sont de bons exemples en la matière.

Croissance durable

Tous deux, bien que situés dans des zones économiquement sensibles, ont été conçus à l’intérieur d’un système complexe qui prévoit des mesures d’atténuation des impacts préjudiciables sur le plan environnemental et social. La région Amérique latine et Caraïbes doit tirer profit de ses ressources naturelles, y compris du vaste potentiel de production d’énergie hydraulique dont elle dispose.

Si nous procédons de façon durable, nous réussirons non seulement à renforcer la croissance de notre région, mais aussi à réduire fortement notre contribution au changement climatique.

Ces mesures présentent sans aucun doute des coûts et des risques, qui restent cependant beaucoup moins redoutables que les coûts de l’inaction. Heureusement, la région prend conscience que de meilleures politiques et des réformes structurelles s’imposent pour soutenir la croissance et améliorer le bien-être en général.

Luis Alberto Moreno (Président de la Banque Interaméricaine de Développement)
Angel Gurría (Secrétaire général de l'OCDE)

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