Après le coronavirus: besoin d’un nouvel imaginaire

Vue de Los Angeles qui enregistre une des meilleure qualité de l'air des grandes agglomérations mondiales en cette période de pandémie. Californie, Etats-Unis, 21 avril 2020. — © Valerie Macon/AFP
Vue de Los Angeles qui enregistre une des meilleure qualité de l'air des grandes agglomérations mondiales en cette période de pandémie. Californie, Etats-Unis, 21 avril 2020. — © Valerie Macon/AFP

A n’en pas douter, même si cela prendra encore du temps, la pandémie sera jugulée. La grande question – au-delà des nécessaires mesures sanitaires, aides en tout genre et mesures de prévention – est celle de l’après. La crise du coronavirus n’aura-t-elle été qu’une parenthèse douloureuse avant une relance de la machine à consommer et surchauffer la Terre? Ou aura-t-elle permis une accélération de la transition vers des sociétés post-carbone, respectueuses des limites de la biosphère, de la justice globale et des droits des générations futures?

Etant donné les inerties systémiques et les forces en présence, un «retour à la normale» est, hélas, tout sauf exclu. En même temps, il serait irresponsable. «Que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe», écrivait le philosophe Walter Benjamin. Car le coronavirus n’est qu’un avertissement des dégradations plus graves encore et irréversibles qui nous attendent, si l’on ne prend pas rapidement les mesures qui s’imposent dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’extinction des espèces et l’explosion des inégalités.

Mutation des consciences

L’humanité est à la croisée des chemins. Devant un choix radical entre la mort et la vie, «l’abîme» et la «métamorphose» comme l’affirme le sociologue Edgar Morin. Se métamorphoser, c’est mourir à l’ancien et à ce qui fait mourir pour renaître à la nouveauté émergente et à ce qui fait vivre. L’enjeu n’est donc pas seulement d’aménager un système qui nous conduit dans le mur, mais d’opérer un véritable changement de paradigme. Une transition au sens fort de son étymologie latine «trans-ire»: aller au-delà.

Pour cela, une mutation des consciences est nécessaire. Il convient notamment d’entendre ce que cette crise historique a à nous dire, en allant à ses racines, en questionnant nos modes de vie, les structures socio-économiques dominantes, les principes et les valeurs qui les sous-tendent. Le coronavirus est un puissant révélateur. D’abord, par ses symptômes: il donne la fièvre et tue par suffocation. Le symbole d’un système qui réchauffe et asphyxie la planète par son obsession de la croissance, sa démesure consumériste et sa quête du profit sans fin. Ensuite, par son origine: le Covid-19 vient d’animaux – abominablement maltraités – et son développement est indissociable des perturbations climatiques et écosystémiques. Le signe de nos relations destructrices avec la nature. Enfin, par sa diffusion et ses impacts: impressionnant d’observer comment un virus microscopique peut mettre le monde à l’arrêt et l’économie à terre. L’expression de la vulnérabilité d’un système globalisé dont l’interconnexion est à la fois la force et la faiblesse.

Réenchanter l’à-venir

Comprendre en profondeur donc, mais aussi changer d’imaginaire, de vision, de regard. Pour redécouvrir – dans l’émerveillement, l’humilité et la créativité – ce que le Covid-19 nous rappelle par la négative: que le vivant est un; que la Terre n’est pas un stock de ressources mais la source de la vie; que l’être humain n’est pas le maître tout-puissant de la nature; qu’il est absurde de perdre sa vie à la gagner; que le bonheur réside moins dans la consommation de biens que dans des liens de qualité; que la résilience ne se trouve pas dans la «guerre» mais dans la coopération et l’entraide.

Cette vision n’est pas qu’une abstraction utopique. Elle anime en particulier le mouvement de la transition, en pleine ébullition. Un peu partout, en Suisse et ailleurs, se multiplient des rencontres virtuelles pour composter des émotions comme la peur, chercher du sens et surtout imaginer ensemble à quoi pourrait ressembler un après durable, solidaire et équitable. Rêver et inventer des nouvelles histoires qui nourrissent le désir de vivre et de s’engager, comme autant de semences pour réenchanter l’à-venir. Des demains d’autant plus possibles qu’ils existent déjà en partie, à travers les innombrables alternatives qui fleurissent localement dans tous les domaines.

Michel Maxime Egger, responsable du Laboratoire de transition intérieure (Pain pour le prochain et Action de Carême)

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