Après le vote des Grecs, l’Europe doit entendre la voix des peuples

Les citoyens grecs ont voté en masse pour Syriza. C’est un cri d’espoir pour une société plus juste et un désaveu flagrant de la politique d’austérité conduite par l’Union européenne et soutenue par l’ex-premier ministre grec, Antonis Samaras.

Que la droite européenne le veuille ou non, et malgré tous les efforts qu’elle a déployés contre la gauche lors de la campagne électorale grecque, la victoire du parti d’Alexis Tsipras est un fait politique que chacun doit respecter, y compris en Europe. C’est aussi un signal fort envoyé aux institutions européennes : les politiques d’austérité sont un échec social, économique, démocratique mais surtout humain.

Alexis Tsipras est le nouveau premier ministre grec. Ses collègues devront l’accueillir au Conseil européen et travailler avec lui. Dans l’intérêt des Grecs et dans celui des Européens. Car, aujourd’hui, l’enjeu est de redresser la Grèce en la gardant dans la zone euro, de redonner confiance au peuple grec mais aussi de démontrer qu’une autre Europe est possible.

J’avais déclaré il y a quelques mois au Parlement belge que, si on aidait la Grèce, c’était pour la voir vivre, pas pour la voir mourir. Le remède à trouver, ça n’est pas celui qui ressemblerait à une saignée comme on en faisait au Moyen Age, pensant soulager ainsi les malades. Au nom de mon parti, je le dis depuis plusieurs années : la solidarité européenne, cela n’est pas un soutien financier conditionné à l’imposition de réformes qui génèrent plus de pauvres et de demandeurs d’emploi et qui privent toute une génération d’un avenir meilleur.

Mépris profond de la démocratie

Hier, alors que la victoire de Syriza était acquise, des représentants de la droite jugeaient indispensable de rappeler que la Grèce devrait poursuivre coûte que coûte ses réformes, même avec le gouvernement Tsipras. Cela dénote un mépris profond de la démocratie et du peuple grec, qui a posé un choix en toute souveraineté. C’est aussi un mépris de la réalité, car la situation sociale et économique de la Grèce est catastrophique. Le nombre de Grecs menacés par la pauvreté a plus que doublé en cinq ans, passant de 20 % en 2008 à plus de 44 % en 2013. Les responsabilités ont été partagées, y compris par l’Europe.

Les partisans de l’austérité se trompent dans leur entêtement idéologique. Ils risquent d’ajouter une crise démocratique à une crise économique et sociale. Que l’on songe à toutes les crises politiques qui se sont accumulées ces dernières années, outre la crise financière. On ne doit pas prendre le risque de perdre toute adhésion au projet européen. L’Europe doit se construire avec les peuples, et non contre eux. Et le peuple européen a besoin d’une Europe plus solidaire, plus sociale, plus démocratique et plus écologique pour pouvoir envisager un avenir meilleur.

Les citoyens européens demandent que l’Union européenne les protège et les soutienne. L’imposition de réformes qui sont parfois vécues comme une humiliation est le meilleur moyen de mettre en péril la construction européenne et de faire le terreau de la désolation sociale, puis des populismes et des extrémismes. N’oublions pas que, derrière la victoire de Syriza et l’échec de la Nouvelle Démocratie, notamment, on retrouve en troisième position un parti néonazi.

Les espoirs soulevés par la victoire d’Alexis Tsipras sont immenses. Toutefois, le nouveau premier ministre grec n’arrivera pas seul à inverser l’échec néolibéral de l’Europe. Il faut que tous ceux qui saluent sa victoire l’aident. Chaque contribution à une autre Europe, plus juste et solidaire, est bienvenue.

Une autre Europe essentielle pour tous les Européens

En tant que relais naturel des classes populaires, le Parti socialiste européen et plus largement la gauche européenne doivent porter davantage ce message d’espoir et de relance, qui vaut pour l’ensemble des pays d’Europe. J’ai pu mesurer au Conseil européen l’enfermement idéologique dont est victime l’Europe et constater à quel point toute tentative de renforcement du modèle social européen est contrecarrée.

Les mots choisis sont toujours les mêmes : « réformes », « libéralisation », etc. Parler de conséquences sociales de la crise, de partenaires sociaux, de protection sociale… y est vécu par certains comme une provocation. Pourtant, la question n’est pas de savoir comment on réduit ou détruit les droits des travailleurs et des consommateurs, mais bien comment on les protège et les renforce.

La question n’est pas de savoir comment on supprime des services publics pourtant essentiels, mais comment on facilite l’investissement public pour garder des écoles, des hôpitaux, des transports accessibles. La question ne se limite pas à la confiance des marchés, la question est aussi l’encadrement de la finance pour éviter de nouvelles dérives… Il n’y a pas de recette miracle et ça vaut aussi pour l’austérité.

Jean-Claude Juncker a déclaré qu’il était à la tête de la Commission de la dernière chance. Beaucoup voient aujourd’hui dans la victoire d’Alexis Tsipras un vent de changement. Il faut surtout que tous s’unissent pour montrer à quel point une autre Europe est essentielle pour tous les Européens. Le Parti socialiste, avec d’autres en Europe, poursuivra cette mobilisation et continuera à mener le combat pour une Union plus juste, plus démocratique, plus écologique et plus solidaire.

Elio Di Rupo, président du Parti socialiste belge, ancien premier ministre.

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