Après l’échec du sommet de Camp David en juillet 2000, des négociations de Taba en janvier 2001, de la rencontre de Charm el-Cheikh en février 2005, George W. Bush, le président américain, décidait qu’il était temps d’en finir avec le conflit israélo-palestinien. Le 27 novembre 2007, à Annapolis, il réunissait Ehud Olmert, le Premier ministre israélien, et Mahmoud Abbas, le président palestinien, pour frapper dans le marbre le principe de la solution à deux Etats. Les deux hommes s’engageaient à conclure les négociations en une année.
Trois semaines plus tard, à Paris, Nicolas Sarkozy ouvrait la conférence internationale des donateurs pour l’Etat palestinien en rappelant qu’il s’agissait de créer aux côtés d’Israël : «Un Etat souverain sur son territoire et ses ressources, contrôlant ses frontières, disposant d’une continuité entre Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Un Etat de droit, disposant d’institutions fortes et indépendantes, qui assurera la sécurité de ses citoyens, fera respecter la loi et l’ordre […]. Au bout du compte, un Etat politiquement et économiquement viable.» Salam Fayyad, le Premier ministre palestinien, demandait 4,5 milliards d’euros aux donateurs qui, déjà, depuis la signature des accords d’Oslo, avaient déboursé plus de 7 milliards d’euros. Il a reçu des promesses pour la bagatelle de 6,5 milliards d’euros de la part des 70 délégations d’Etats réunies à Paris. L’Union européenne a de nouveau mis la main au portefeuille. Aux 563,28 millions d’euros déjà transférés en 2007, sont venus s’y ajouter 494,91 millions en 2008. Selon des sources diplomatiques, il faut adjoindre les sommes offertes par les divers pays de l’UE, qui, en la doublant, portent l’aide aux Palestiniens à près de 1 milliard d’euros (en 2015, encore, l’UE a remis 342,42 millions d’euros à l’Autorité autonome). Les pourparlers ont débuté et, à nouveau, ce fut l’échec. La droite israélienne en accuse les Palestiniens qui auraient refusé les «concessions sans précédent, offertes par Olmert». Faux, rétorque l’entourage d’Abbas : «Nous n’avons jamais reçu une proposition sérieuse par écrit pour l’étudier. Tout était verbal et n’engageait que ceux qui écoutaient.» En réalité, sous le coup d’une enquête judiciaire pour corruption, impopulaire, Ehud Olmert n’avait plus la possibilité de conclure un accord en bonne et due forme. Condamné, il a fini derrière les barreaux. Benyamin Nétanyahou lui a succédé à la présidence du Conseil en 2009 et, depuis, Israéliens et Palestiniens n’ont plus repris les discussions de fond sur les éléments de la solution à deux Etats.
Barack Obama, arrivé à la Maison Blanche la même année, n’a même pas réussi à relancer des pourparlers autres que sur la reprise des négociations. John Kerry, avant de quitter le département d’Etat, relève que durant ces huit années 100 000 colons supplémentaires se sont installés en Cisjordanie. Il en rejette la responsabilité sur Nétanyahou et son gouvernement, «le plus à droite de l’histoire d’Israël», dit-il, en constatant le quasi total contrôle israélien sur la zone C, 60 % du territoire, habité par près de 400 000 colons et où le développement palestinien est interdit. Une situation critiquée par de nombreux diplomates européens en poste dans la région. Tout en gardant l’anonymat, ils déclarent à qui veut les entendre : «De fait, nous finançons le maintien de l’occupation israélienne.»
Dans ces conditions, n’est-il pas grand temps de faire le bilan ? Les milliards investis par la communauté internationale, s’ils ont permis le développement d’institutions palestiniennes, n’ont pas fait avancer d’un millimètre la solution à deux Etats. Alors, pourquoi, au nom des bailleurs de fonds européens, François Hollande et Angela Merkel ne prendraient-ils pas l’initiative de fixer une date limite au-delà de laquelle Israël - puissance occupante selon les conventions de Genève - devrait assumer le financement du budget palestinien ? Cela libérerait le contribuable européen de ce fardeau, et placerait le gouvernement de Nétanyahou devant ses responsabilités à un moment où s’ouvre une nouvelle page de l’histoire du Proche-Orient. L’enjeu, c’est l’avenir de la région, d’Israël et de la nation palestinienne. Car les premières décisions de la nouvelle administration Trump ne poussent pas à l’optimisme. Le président élu a nommé David Friedman au poste de nouvel ambassadeur américain en Israël. A la tête de l’Association des amis de la colonie Beit El, c’est un fervent partisan de l’annexion des Territoires palestiniens. Il entend œuvrer pour le transfert à Jérusalem de l’ambassade des Etats-Unis installée aujourd’hui à Tel-Aviv. Ce serait le dernier clou dans le cercueil du processus de paix entamé en 1993 avec la signature des accords d’Oslo. Il ne resterait plus qu’à en publier l’acte de décès formel.
Charles Enderlin, journaliste à Jérusalem. Dernier ouvrage paru : Au nom du Temple - Israël et l’irrésistible ascension du messianisme juif (1967-2013), Seuil, 2013.