Article 7 du traité de l’Union européenne : « Voici le tour de la Hongrie ! »

Et de deux ! Après la procédure initiée contre la Pologne par la Commission européenne en décembre 2017, voici le tour de la Hongrie. En effet, le Parlement européen a approuvé à plus de deux tiers – la majorité requise – le rapport de l’eurodéputée néerlandaise Judith Sargentini pour engager une procédure contre ce pays.

Qui eût cru que le mécanisme de respect des droits de l’homme par les Etats membres prévu à l’article 7 connaîtrait un tel sort ? Longtemps décrit comme une « arme nucléaire », c’est-à-dire servant davantage à faire peur qu’à être réellement utilisé, le voilà désormais brandi avec la régularité d’un métronome.

Pour rappel, cet article permet in fine de suspendre les droits de vote d’un Etat membre en cas de violation des droits de l’homme. En effet, si l’Union européenne, à l’origine économique, s’est longtemps désintéressée de la question des droits de l’homme, elle attache aujourd’hui beaucoup d’importance à cette problématique. Leur respect ainsi que le caractère démocratique d’un Etat sont d’ailleurs des conditions pour rejoindre l’Union européenne.

Décision bienvenue

Cette décision apparaît, certes, bienvenue, tant la Hongrie méprisait les règles et cumulait les violations à l’Etat de droit. Jusque-là, la Commission européenne et le Parlement européen avaient louvoyé, attitude éminemment partiale, alors que la première s’était résolue à engager une procédure contre la Pologne.

Comment expliquer ce décalage ? Rien de plus simple. Le Fidesz, le parti de Viktor Orban appartient au Parti populaire européen (PPE), pas le PiS. Or, le PPE et ses alliés sont majoritaires au Parlement européen et à la Commission européenne. La perspective d’élections européennes difficiles pour le PPE n’incitait pas forcément à un renversement. Néanmoins, ces derniers apparaissaient de plus en plus dans une position intenable, à vouloir ménager un parti se tournant de plus en plus vers des mouvements populistes d’extrême droite (Ligue et Front national) et un leader, Viktor Orban, évoquant le concept antinomique de « démocratie illibérale ».

Le recours à l’article 7 doit, cependant, se faire avec précaution, tant il pourrait avoir des effets inverses à ceux attendus. Il faut se plonger dans les origines de cet article pour en percevoir certaines limites. Ainsi, en 2000, un gouvernement de droite et d’extrême droite avait été constitué en Autriche, ce qui avait entraîné un boycott des autres Etats membres de l’Union européenne, en dehors de toute procédure – l’article 7 n’existant pas encore. Or, le précédent autrichien montre qu’une telle exclusion avait soudé la population autour de son gouvernement, sans permettre une résolution par le haut.

Surtout, cette décision a tout du fusil à un coup. En effet, soit ces institutions européennes réussissent à faire constater les violations en Hongrie et en Pologne, et les possibles sanctions devraient inciter ces Etats, ainsi que les autres membres en délicatesse avec l’Etat de droit à rentrer dans le rang. Soit ces institutions échouent, et la Pologne, la Hongrie et les autres se sentiront libres d’agir à leur guise.

Blocage institutionnel

Or, il est loin d’être certain que le Parlement européen obtienne satisfaction. Certes, le Conseil est désormais doublement sous pression, avec déjà deux initiatives à examiner. Néanmoins, outre la majorité des quatre cinquièmes au Conseil qu’il sera difficile d’obtenir, il faut encore, pour la dernière étape, l’unanimité au Conseil européen. Ce consensus apparaît d’ores et déjà impossible, avec la Pologne et la Hongrie qui pourraient se prêter mutuellement assistance.

Face à ce blocage institutionnel, le seul recours possible pourrait être de poursuivre conjointement la Pologne et la Hongrie pour les réformes du système judiciaire au fond assez voisines et ainsi éviter le veto hongrois ? Rien n’indique qu’une telle procédure soit possible, rien ne l’interdit plus. Ce sera alors à la Cour de justice de délivrer un arbitrage.

Mais, qu’en sera-t-il de toute façon de l’Italie, de l’Autriche, de la Bulgarie ou de la Roumanie ? Iront-ils condamner une situation qui pourrait un jour leur arriver ? En s’appuyant sur l’article 7, la Commission a mis fin à l’équilibre de la terreur et lancé les hostilités. Le Parlement européen vient lui aussi d’entrer dans le jeu. A la différence de John F. Kennedy toutefois, ce n’est pas ces institutions qui ont le dernier mot. Que le doigt de certains Etats tremble, et c’est tout l’édifice qui pourrait vaciller. La pression monte. Attention à ne pas manquer la cible.

Par Nicolas Delmas, juriste spécialisé en affaires européennes.


L’activation de l’article 7

L’article 7 des traités est un mécanisme visant à préserver l’Etat de droit dans l’Union européenne. Considérée comme un dernier recours, cette procédure peut être « proposée » (par la Commission, un tiers des pays membres ou le Parlement européen), en cas de « risque clair de violation grave de l’Etat de droit » dans un Etat membre.

Pour que le Conseil (les Etats) s’en saisisse et poursuive la procédure, une majorité des 4/5e de ses membres doit être réunie. S’instaure alors un « dialogue » entre Bruxelles et le gouvernement du pays visé.

Si la « violation grave » persiste, la procédure peut conduire à terme jusqu’à la suspension des droits de vote au conseil. Mais, pour cela, les Etats membres doivent se prononcer à l’unanimité. Avec la Hongrie, c’est la deuxième fois que l’article 7 est à l’agenda. Il l’a été une première fois par la Commission contre la Pologne, fin 2017, mais, à ce jour, les Etats membres n’ont toujours pas voté sur la poursuite de la procédure.

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