Au G20, nous promouvrons un modèle fiscal européen juste, efficace et solidaire

Parce que nous voulons défendre et faire vivre le modèle de développement européen, la France au côté de la Commission a été à l’initiative pour porter le débat fiscal au G20 de Buenos Aires. La construction européenne repose sur des principes simples : justice, efficacité et solidarité. Nous voulons défendre ces principes face aux évolutions que nous estimons dangereuses non seulement pour les citoyens européens, mais aussi pour la création de richesse et la croissance mondiales. C’est l’enjeu de ce G20.

La fiscalité a été au cœur de la construction des Etats modernes, en particulier européens. Ce modèle, qui a constitué l’un des attributs essentiels de la puissance et de la souveraineté des Etats, est aujourd’hui remis en cause de façon fondamentale par trois défis.

La globalisation et l’intensification des échanges d’abord, qui permettent aux entreprises d’arbitrer entre différents systèmes fiscaux. La révolution numérique ensuite, qui a bouleversé notre modèle économique sans que notre système fiscal d’imposition des bénéfices des entreprises n’évolue. Il est en effet resté fondé sur des paramètres économiques anciens - la notion d’établissement stable - qui ne permettent pas d’appréhender la valeur créée par l’utilisation des données numériques. Enfin, certains Etats sont désormais tentés d’utiliser la fiscalité de façon parfois agressive pour améliorer leur compétitivité au-delà des seuls paramètres économiques et d’attractivité.

Pour répondre à ces défis, notre premier partenaire commercial et allié de toujours, les Etats-Unis, a entrepris une réforme de fond de son système fiscal, en encourageant le rapatriement des profits sur le territoire américain. Nous avons, avec l’Union européenne, exprimé nos inquiétudes. Mais nous devons nous poser une question plus fondamentale : saurons-nous en Europe faire face collectivement à ces défis ? Nous, commissaire européen pour l’Economie et la Fiscalité et ministre français des Finances, chacun dans nos responsabilités respectives, sommes convaincus que l’Union européenne peut et doit bâtir un nouveau modèle fiscal, fondé sur les valeurs européennes.

L’équité et l’efficacité. Nous devons construire avec tous les pays européens un modèle fiscal simple, efficace et juste qui s’appuie sur la taxation de la valeur là où elle se trouve. Deux exemples. Il n’est plus tolérable que les géants du numérique - peu importe leur nationalité - ne paient qu’un montant dérisoire d’impôt sur les sociétés en Europe. Notre modèle fiscal doit prendre le tournant du numérique : c’est une question de justice. C’est aussi une question d’efficacité, le manque à gagner de ces recettes numériques non perçues est déjà net en Europe et se chiffre à plusieurs milliards d’euros. Il faut réfléchir à un système plus juste sur le long terme et cohérent sur le plan international avec l’ensemble de nos partenaires, fondé sur la notion nouvelle de présence fiscale numérique, comme le propose l’OCDE. Mais nous ne pouvons remettre à plus tard ce que nous pouvons corriger immédiatement. La France a fait une proposition forte, ayant fédéré dix-neuf Etats membres de l’UE : le projet de taxe d’égalisation sur le chiffre d’affaires. Garante de l’intérêt général européen, la Commission va proposer une directive pour adapter notre fiscalité aux nouveaux enjeux de l’économie numérique.

De même, nous ne pouvons plus fermer les yeux sur l’évasion fiscale. Les intermédiaires ne peuvent plus continuer à favoriser - en toute impunité - des montages fiscaux en créant des coquilles vides offshore, dont le seul but est d’échapper à l’impôt en Europe pour localiser leurs bénéfices dans des territoires où aucune activité économique n’est conclue. Nous avons donc rendu obligatoire la publication de ces montages. C’est une avancée majeure. Nous devons inciter nos partenaires du G20 à faire de même. La solidarité. Entre pays qui partagent un même destin économique, l’arme du dumping fiscal n’est plus envisageable. Nous ne pouvons d’un côté promouvoir la convergence de nos économies pour, de l’autre, nous livrer à une concurrence sans merci, afin d’être fiscalement plus attractifs. La course au moins-disant fiscal ne nous mènera collectivement nulle part. Nous devons nous employer dès maintenant à construire une vraie convergence fiscale entre Européens. C’est le projet clé qui est porté par la Commission, et profondément soutenu par la France : faire avancer la définition d’une assiette commune et consolidée (Accis) pour notre impôt sur les sociétés pour permettre à nos entreprises de disposer de la même base fiscale, quelle que soit leur implantation au sein de l’UE, et à terme de ne déposer qu’une déclaration fiscale.

Sur ces questions, des avancées franco-allemandes sont nécessaires pour créer un noyau solide capable d’entraîner les Etats membres sur ces projets clés. Bien sûr, cette convergence passe aussi par les taux. La France a fait des propositions ambitieuses en ce sens. Plusieurs solutions existent : la France a proposé un couloir de taux d’impôt sur les sociétés et la Commission l’instauration d’un seuil d’imposition minimal effectif. Il est possible d’avancer là aussi rapidement.

Nous porterons cette ambition partagée pendant le G20. Car nous voulons que l’Europe soit à l’initiative et défende aussi ses intérêts. Il s’agit bien sûr de peser dans le jeu économique des grandes puissances. Mais il s’agit aussi pour nous de répondre aux attentes des citoyens européens, et aux populistes qui remettent en cause la construction européenne. Parce que nous croyons dans les nations et, en même temps, à la construction européenne, nous pensons qu’il est temps pour l’Europe d’affirmer sa souveraineté fiscale et de construire un consensus européen sur ces questions essentielles pour nos économies.

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie (France).
Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *