Avant d’augmenter les contributions au budget européen, il faut remettre à plat les modalités de leur répartition entre pays

Ursula von der Leyen deviendra, le 1er novembre, la nouvelle présidente de la Commission européenne. Sans même parler du Brexit, la période est aujourd’hui critique pour l’Union européenne, dont beaucoup de citoyens se détournent, déplorant son impuissance face aux grands problèmes actuels : dérèglement climatique, migrations de masse, instabilité internationale, etc.

Aussi, au moment où se prépare le budget 2021-2027, les voix sont nombreuses à réclamer une enveloppe plus importante permettant de mener de nouvelles politiques à l’échelle du continent.

Mais avant de songer à augmenter les contributions au budget européen, il semble indispensable de remettre à plat les modalités de leur répartition entre pays, le système actuel produisant des transferts financiers interétatiques inéquitables, que la diminution programmée des fonds « de cohésion » risque d’aggraver un peu plus (« An American-Style Transfer Union in Europe, A First Glance at How Much it Might Cost », Casimir Dadak & Roman Matkovskyy, Journal of Economic Issues [2018]).

Complexité des flux financiers

Quelques chiffres, d’abord, pour avoir en tête des ordres de grandeur.

En moyenne, les Etats européens prélèvent chaque année environ un tiers de leur produit intérieur brut (PIB) pour financer leurs budgets nationaux. En comparaison, le budget de l’Union rassemble seulement 1 % du PIB de chacun des Etats membres. Mais nos recherches, menées à partir de chiffres de l’année 2000, choisie pour sa stabilité, montrent que ce pourcentage varie grandement d’un pays à l’autre.

Le Luxembourg, dont les habitants sont, sans conteste, les plus riches du continent, avec un revenu par tête équivalant à sept fois celui de la Roumanie, contribuait par exemple au budget européen pour environ 0,3 % de son PIB. Le Danemark, assez prospère également, allouait environ 0,1 % de son PIB à sa participation à l’Union ; la Suède et les Pays-Bas, 0,4 %.

Les habitants beaucoup plus nombreux des « gros » pays européens, comme l’Allemagne ou la France, contribuaient proportionnellement bien davantage que ceux de ces petits Etats opulents. Au total, la relation entre le niveau de richesse des habitants d’un pays et leur niveau net de participation au budget de l’Union est donc très loin d’être linéaire.

Le phénomène s’explique par la complexité et la multiplicité des flux financiers, correspondant à des politiques européennes aux objectifs très divers, l’égalisation des niveaux de revenu entre Etats n’étant pas considérée comme une priorité et certains fonds européens étant captés avant tout par les plus habiles à monter des dossiers.

Mouvements de rejet

Mais un tel manque d’équité pose problème. Certaines régions du continent sont désertées par leur population active qui ont afflué vers les pays plus nantis, au point de susciter des mouvements de rejet. Continuer sur cette voie, demander de nouvelles contributions pour que l’Union européenne puisse mener de nouvelles politiques sans, au même moment, accroître la transparence et l’équité des transferts financiers, semble un pari risqué.

Nos recherches sur le fonctionnement de l’Etat fédéral américain peuvent aider à tracer quelques pistes. En moyenne, les habitants des différents Etats contribuent bien davantage au budget des Etats-Unis, à hauteur environ de 17 % du PIB, et non de 1 % comme dans l’Union européenne. Nous montrons que les contributions nettes de chacun des Etats sont proportionnelles à leur niveau de richesse par tête.

La Californie, par exemple, assez analogue à un Etat européen prospère, dédie 4 % net de son PIB au budget de l’Etat fédéral. Un Etat beaucoup plus pauvre comme le Mississipi est pour sa part bénéficiaire net, à hauteur de 15 % de son PIB.

Augmenter les ressources et les marges de manœuvre de la Commission européenne, sans veiller prioritairement à organiser une solidarité économique de ce type, paraît extrêmement dangereux.

Roman Matkovskyy (Chercheur à Rennes School of Business)

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