Ayons l’audace d’agir pour le climat

Du 2 au 14 décembre, les dirigeants du monde entier se retrouvent à Katowice en Pologne pour assister à la conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP24. Ils doivent discuter de l’avancement de l’Accord de Paris et achever d’adopter les directives d’application de sa mise en œuvre. Les preuves scientifiques démontrant la réalité du changement climatique ne manquent pas, pas plus que le savoir, les compétences, et les ressources pour surmonter cette menace existentielle. Il n’y a qu’une chose qui nous ralentit : la volonté d’agir.

En octobre, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a confirmé ce que la plupart d’entre nous savaient depuis longtemps : la situation est bien pire que ce que nous avions imaginé.

Ce rapport rappelle notamment que la température a déjà augmenté de 1 °C. Encore pire, les auteurs démontrent qu’au rythme actuel nous n’arriverons pas à respecter l’ambitieux objectif fixé par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Le GIEC souligne l’impact de l’augmentation de la température sur les écosystèmes, les conditions météorologiques et les moyens de subsistance de centaines de millions de personnes à travers le monde. Ces effets sont très graves et ont des conséquences dramatiques pour tous, mais en particulier pour les plus pauvres et les plus vulnérables.
Zéro émissions d’ici 2050

Bien qu’ils ne puissent pas le dire avec certitude, les membres du GIEC laissaient aussi entendre que la multiplication des catastrophes naturelles, comme en témoignent les nouveaux records établis par la saison des ouragans en 2017, était soit directement causée par le changement climatique, soit accélérée par ce dernier.

Selon le rapport du GIEC, maintenir le réchauffement climatique sous les 2 degrés et respecter l’objectif de 1,5 °C apportent des bénéfices considérables : 10 millions de personnes, qui seront sinon dangereusement exposées, ne verront pas leurs domiciles engloutis par la montée des eaux ; 2 millions de kilomètres carrés de pergélisol seront préservés ; il y aura moitié moins de personnes confrontées à la pénurie d’eau ; et moitié moins d’espèces animales risqueront de perdre une part importante de leur territoire naturelle.

Le rapport rappelle qu’il est toujours possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, mais pour y arriver, il faudra un niveau d’engagement et d’action bien plus grand. Tous les efforts, des quatre coins de notre société, de chaque pays, et chaque entreprise, devraient être réorientés vers l’objectif de produire zéro émissions d’ici 2050.

Cinq choses doivent être faites : moderniser de fond en comble les secteurs de l’énergie et de l’agriculture, réviser nos méthodes de planification urbaine, investir massivement dans les technologies émergentes et bas carbone, mieux protéger les puits de carbone tels que les forêts, et changer nos modes de production et consommation, en diminuant par exemple notre consommation de viande ou d’hydrocarbure.

Ces propositions sont audacieuses et peuvent potentiellement transformer la planète, en changeant tout, y compris notre façon de manger, notre façon de vivre, notre façon de se déplacer.
Des questions subsistent

A Katowice, autrefois connue pour ses mines de charbon, les négociateurs du monde finaliseront le programme de travail de l’Accord de Paris. Ce programme encadrera la mise en œuvre, le suivi et l’analyse des résultats de l’Accord. Si l’Accord est censé « renforcer les fondements de notre maison commune », le programme de travail est l’échafaudage qui va permettre le commencement de ces travaux. Son succès est fondamental.

Cependant, des questions subsistent toujours, notamment en ce qui concerne le financement, le transfert de technologie, et la transparence. Pourtant, des solutions existent dans chacun de ces domaines – et nous pouvons être visionnaires et audacieux dans nos choix.

Sur le transfert de technologie, par exemple, les pays les plus avancés pourraient renoncer aux droits de propriété intellectuelle de certaines innovations lorsqu’elles sont exploitées dans des pays en développement. Ils pourraient également renoncer aux droits de douanes d’importation et d’exportation de ces technologies. Ainsi, l’accès aux progrès techniques se généraliserait et faciliterait l’atteinte des objectifs en matière de réchauffement climatique.

A propos des financements, rappelons qu’ils sont indispensables pour permettre aux Etats vulnérables, insulaires ou en voie de développement, afin de lancer des actions pour le climat. Mais les pays développés n’ont pas encore honoré leurs engagements et doivent les augmenter afin d’atteindre l’objectif annuel de 100 milliards de dollars.
Pression des lobbyistes

De nombreux pays comptent sur des institutions financières multilatérales pour soutenir leurs projets de développement, mais ce soutien s’accompagne d’intérêt sur le capital prêté et l’imposition de certaines conditions. Nous devrions donc établir des mécanismes de négociation clairs afin de mieux appuyer les actions pour le climat.

L’évaluation des politiques mises en œuvres dans le cadre de l’Accord de Paris est aussi importante que les engagements pris avec ce traité. De nombreux pays demandent que ces rapports d’étape fassent preuve de souplesse, notamment en ce qui concerne le calcul des émissions. Il sera important de trouver le bon équilibre permettant de s’adapter à la situation de chacun, en s’appuyant sur les mécanismes existants, tout en garantissant que les données peuvent être comparées entre les pays et les régions. Nous devons pouvoir mettre en œuvre l’Accord sans se perdre dans les détails.

Nous sommes à un tournant. Beaucoup, y compris moi-même, ont œuvré pendant des décennies pour arriver à cet accord international, ont connu la déception de Copenhague, l’espoir de Cancún et la célébration de Paris. Les enjeux sont trop importants pour procrastiner ou hésiter.

Si on accepte vraiment que le changement climatique représente une menace existentielle pour notre monde, on doit agir, quelle que soit la pression des lobbyistes.

Maria Fernanda Espinosa, Présidente de l’Assemblée Générale des Nations Unies.

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