Bachar Al-Assad, principal meurtrier de son peuple

Il y a quatre ans, débutait dans les villes syriennes une contestation sans précédent du régime de Bachar Al-Assad. Une protestation pacifique à ses débuts, mais dont la répression brutale allait rapidement mener à une cristallisation des positions et à un embrasement de tout le pays.

Depuis, la situation n’a cessé de s’aggraver et les morts se comptent désormais par centaines de milliers. Pire, de nouveaux acteurs sont apparus, qui n’ont rien à voir avec les manifestants du début, mais dont la violence et la cruauté, doublées d’un sens de la communication très développé, ont vite conquis l’attention des médias.

Rarement parler de « prisme déformant » de l’actualité n’aura été aussi vrai, que lorsqu’on évoque le conflit en cours en Syrie. Depuis quelques mois, une grande partie des médias font état des crimes, tous plus effroyables et sensationnels les uns que les autres, commis par le groupe terroriste Etat islamique (EI). Des crimes revendiqués par ses membres, dans des vidéos commentées à l’envi par ces mêmes médias, et largement diffusées sur les réseaux sociaux à des fins de terreur, mais aussi de recrutement.

La majorité des crimes

Obnubilée par les détails sordides de ces exactions, l’opinion publique internationale finit par oublier que les responsables de la majorité des crimes commis en Syrie, aujourd’hui encore, sont les services de Bachar Al-Assad. L’attitude pour le moins désinvolte de certains « responsables » politiques occidentaux laisserait même à penser que la seule façon de combattre cette organisation terroriste est de renouer le contact avec les autorités de Damas.

Le VDC (Violations Documentation Center in Syria), notre organisation partenaire en Syrie, documente depuis quatre ans le bilan humain du conflit en Syrie. Les chiffres sont sans équivoque : sur les 130 035 victimes depuis 2011 – dont 81 596 sont des civils – 112 423 sont des victimes directes du régime.

Inutile de faire une règle de trois pour démontrer que l’immense majorité des crimes internationaux commis en Syrie l’ont été par les forces loyales à Bachar Al-Assad. Bombardements massifs et indiscriminés, largage de barils d’explosifs, utilisation d’armes chimiques, exécutions extrajudiciaires : autant d’actes constitutifs de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, et qui ont notamment tué au moins 13 387 enfants en quatre ans (soit 17 % du nombre total de victimes non combattantes sur la même période).

Les victimes des groupes non étatiques opposés au régime ne sont évidemment pas oubliées par VDC. A ces dizaines de milliers de morts dont se sont rendues coupables les troupes d’El-Assad, s’ajoutent en effet les quelques 17 612 victimes civiles des opposants au régime, dont 2 940 ont été tuées par l’EI.

Annihiler toute forme de liberté d’expression

Certes, ces chiffres ne sont pas exhaustifs. Ils sont néanmoins précis et implacables, et témoignent de la volonté délibérée du régime d’éradiquer toute forme d’opposition, notamment dans les poches rebelles. Ces villes et villages où les habitants sont considérés comme des combattants ennemis par Damas. Les dizaines de bénévoles de VDC sillonnent ainsi les hôpitaux, les morgues, obtiennent des informations sur les fosses communes et le nombre de personnes qui y sont enterrées.

Ces chiffres montrent en effet et surtout que, dans cette Syrie en morceaux, la société civile continue de se mobiliser pour faire sortir des informations du pays, avec méticulosité, ténacité, mais aussi et surtout, avec un courage indéniable, tant il est dangereux aujourd’hui de témoigner et recueillir des informations sur la situation en Syrie.

S’il y a un point que partagent en effet EI ou encore Al-Nosra et le régime syrien, c’est bien celui de vouloir contrôler ou annihiler toute forme de liberté d’expression, de faire taire toutes les voix qui pourraient leur nuire. Le régime fait de son mieux pour tenter d’empêcher toute forme de diffusion d’une information qu’il ne contrôlerait pas et pourrait lui nuire. Et la répression est implacable. Tous ceux qui tentent de faire sortir de ce pays des informations paient en effet un prix élevé.

Une quarantaine de journalistes et citoyens-journalistes syriens, ainsi que des membres d’ONG nationales sont toujours détenus arbitrairement par Damas, la plupart du temps dans des prisons de sécurité d’Etat, où ils subissent toutes formes de violations. L’utilisation abusive des législations antiterroristes amène à des arrestations et des détentions arbitraires, et violent systématiquement les textes internationaux pourtant souscrits par le régime.

D’autres professionnels des médias, ou des acteurs humanitaires sont par ailleurs directement visés par les groupes non étatiques opposés au régime de Damas, qui pratiquent le kidnapping notamment pour obtenir des contreparties financières ou matérielles.

« crimes contre l’humanité »

En dépit de l’entreprise mortifère du régime, ces témoignages, ces chiffres, ces images et ces vidéos finissent, d’une manière ou d’une autre, par sortir. Par leur exactitude et leur recoupement, ils constituent autant d’éléments à charge, en prévision des poursuites pénales qui ne manqueront pas d’intervenir contre les principaux responsables de ces crimes internationaux. L’idée n’est pas nouvelle et, déjà, en décembre 2013, la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay, avait déclaré que la commission d’enquête sur la Syrie du Conseil des droits de l’homme « a produit d’énormes quantités de preuves (…) sur des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité » et qu’elles « indiquent une responsabilité au plus haut niveau du gouvernement, y compris du chef de l’Etat ».

En ce triste quatrième anniversaire du soulèvement pacifique, il nous semble nécessaire de réitérer notre appel à la libération de toutes les personnes détenues pour avoir défendu les droits humains et qui demeurent aujourd’hui illégalement détenues, emprisonnées ou kidnappées. Le sort des voix libres de Syrie est sorti du radar international : c’est leur faire hommage aujourd’hui que de se mobiliser pour obtenir leur libération.

C’est également leur faire hommage que de rappeler ici l’une de leurs principales revendications, raison qui les a conduits pour certains directement en prison : mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes internationaux. Le recours abusif au droit de veto de la Russie et la Chine a bloqué la saisine de la Cour pénale internationale (CPI) par le Conseil de sécurité. Il semble également avoir neutralisé toute initiative permettant de déclencher d’autres poursuites pénales alternatives crédibles (Tribunal international spécial, etc.).

Cette logique de la prime à l’impunité peut être contrariée par l’appel à encadrer le droit de veto s’agissant de saisir la CPI. Mais l’extraordinaire banalisation du mal industrialisé par le dictateur de Damas et ses contradicteurs barbares souligne l’urgence d’explorer et d’activer sans délai toutes les voies d’une justice pénale internationale. Une justice qui a été trop vite laissée au bord du chemin…

Karim Lahidji préside la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme, une association qui regroupe 178 organisations de défense des droits de l’homme à travers le monde.

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