Brexit : « La City risque de perdre son attractivité »

Le 23 juin 2016, le vote en faveur du Brexit ouvrait un monde des possibles où le Royaume-Uni reprenait son destin en main. Ce dernier a toujours jugé d’un œil favorable le libre-échange et nourri beaucoup de scepticisme à l’égard du concept d’Union européenne (UE), sans parler de la zone euro, qu’il estime être un projet ingérable : on ne plaisante pas avec la souveraineté monétaire !

Mais le réveil des Brexiters est aujourd’hui douloureux, quelques mois avant la date butoir du 29 mars 2019 : le monde des possibles s’est réduit comme peau de chagrin et ressemble davantage au scénario du pire qu’au récit merveilleux d’une reconquête de la liberté.

L’accord négocié par Theresa May avec l’UE et soumis au Parlement britannique n’est qu’un régime de transition pouvant durer jusqu’en 2022 au maximum. Tout d’abord, obtenir un régime de transition comme accord n’est pas exactement ce dont avaient rêvé les Brexiters. Ils pensaient partir avec de nouvelles règles ; ils se retrouvent au milieu du gué, contraints de continuer à gérer l’incertitude d’un régime de transition. Ce régime met le Royaume-Uni dans une position doublement perdante, dans la mesure où son nouveau statut ne lui fait gagner aucune liberté et l’oblige à continuer de payer, mais sans avoir son mot à dire, contrairement à la position qu’il occupait auparavant.

Jusqu’à 2016, le Royaume-Uni occupait une place privilégiée au sein de l’Union puisque, sans faire partie de la zone euro, il avait un rôle comparable aux pays qui en sont membres dans les instances européennes, sans avoir à renoncer à sa propre politique monétaire. Le Royaume-Uni contribuait certes au budget européen mais, en contrepartie, il faisait entendre sa voix dans les différentes commissions. En outre, tout en étant extérieur à la zone euro, il bénéficiait du passeport européen pour les transactions financières en euro, ce qui lui permettait d’être parfaitement intégré dans la zone monétaire tout en jouant de son avantage comparatif en matière d’activités bancaires et financières.

Position affaiblie

Dans le cadre du nouvel accord, il va continuer à contribuer au budget – certes, dans une moindre mesure – tout en bénéficiant de fonds structurels et de la politique agricole commune (ce qui n’est pas le cas de la Norvège), mais il n’aura plus voix au chapitre. Il pourra observer mais ne pourra plus décider. Pendant ce régime de transition, il pourra bénéficier de la liberté de circulation des personnes, des biens et services et des capitaux, mais sera soumis aux accords commerciaux signés par l’UE avec des pays tiers sans pouvoir négocier ses propres accords.

Le Royaume-Uni occupe une position dominante dans le secteur financier et de l’assurance. Le rapport de la Banque d’Angleterre (« EU Withdrawal Scenarios and Monetary and Financial Stability ») sur le coût du Brexit décrit un secteur financier dont le dynamisme et la sophistication en font un des acteurs majeurs au niveau international. Les services financiers représentent 7 % du PIB, 11 % des recettes fiscales et plus d’un million d’emplois sur le territoire britannique. Le pays accueille les plus grandes banques internationales parce qu’elles peuvent justement réaliser toutes les transactions en euro, comme si elles étaient installées dans un pays de la zone euro. La place financière britannique est leader sur le marché des changes, des prêts internationaux et des produits dérivés de taux d’intérêt et de change.

En perdant le passeport européen, le Royaume-Uni se trouve dans un régime d’équivalence où chacune des parties reconnaît les règles de l’autre, mais sans garantir l’accès aux différentes activités en euro : celui-ci sera le résultat de négociations. La position britannique est donc considérablement affaiblie, y compris dans sa capacité à écrire les nouvelles règles financières. La City risque de perdre son attractivité, et donc des emplois. Dans ce contexte, il ne reste plus aux brexiters que les yeux pour pleurer.

Nathalie Janson, economiste, professeure associée à Neoma Business School.

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