Brexit : le pourquoi du vote

De quoi l’Europe est-elle le «non»? S’il est généralement admis que lors d’un référendum les électeurs répondent rarement à la question qui leur est posée, la recherche des ressorts du vote des citoyens britanniques doit animer toutes celles et ceux qui aujourd’hui veulent agir politiquement en France comme en Europe.

Deux sujets ont dominé la campagne référendaire en Grande-Bretagne : le commerce et les migrations. La campagne du remain s’est largement résumée à une mise en garde : quittez l’Europe et l’économie s’effondrera. Pour le camp du leave, restez en Europe et toutes les digues sauteront. Ces deux thèmes, qui peuvent paraître distincts de prime abord, procèdent pourtant de la même réalité. La mise en concurrence des biens et des services d’une part, la mise en concurrence des femmes et des hommes d’autre part. Ce qui est en jeu en Grande-Bretagne c’est bien «l’extension du domaine de la lutte» : le système économique et social si bien illustré par Michel Houellebecq dans lequel tous doivent lutter contre tous, partout et tout le temps.

La réponse des Britanniques est, à cet égard, sans appel. A travers la volonté de retourner à un passé fantasmé et la défiance manifestée envers le pouvoir économique et politique, c’est bien plus que l’UE qui a été rejetée le 23 juin : le brexit vient sanctionner un modèle de société devenu inhumain. Seuls les gagnants de la mondialisation, les diplômés, les habitants des grandes villes, peuvent aujourd’hui trouver du sens à l’Europe, mais sans beaucoup d’entrain. L’enthousiasme n’était clairement pas de ce côté-là de la campagne. En bravant la menace pesant sur leur prospérité économique, les électeurs issus des classes laborieuses ont signifié bruyamment qu’il y a des choses plus importantes que l’argent. L’esprit de communauté, même dans ses manifestations les plus identitaires, n’est guère qu’une aspiration à mieux vivre ensemble au quotidien.

Crise économique et migrations

Voila au fond ce qui anime ceux qui ont voté contre l’UE. Il va sans dire que ces questions n’ont rien d’une excentricité britannique : un espace public européen se construit sous nos yeux précisément sur les thèmes de la crise de l’économie et de notre rapport aux migrations. Face au rejet de l’inhumanité, l’Europe a pourtant des réponses à apporter. Car si elle s’est bâtie sur la promotion du libéralisme économique, l’UE porte néanmoins en elle des ferments d’humanité.

Ce projet, internationaliste s’il en est, qui institutionnalise la solidarité entre les peuples et substitue les palabres aux conflits, mérite d’être défendu. Au-delà de la responsabilité des partis et de leurs dirigeants, l’Europe souffre d’un mal consubstantiel : ce paroxysme de la démocratie libérale que représente l’UE, un système politique qui repose sur le consensus et assume l’objectif de gouverner au centre, n’est pas armé pour lutter contre les passions des extrêmes. Voilà donc le paradoxe pour les humanistes européens et ceux qui aspirent à les représenter politiquement : il nous faudra désormais tous nous battre pour défendre la paix. Car la seule alternative véritablement organisée qui existe aujourd’hui en Europe est celle de la haine. Il suffit de se promener dans les couloirs du Parlement européen pour s’en convaincre.

Paul-Ugo Jean, collaborateur parlementaire français.

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