Brexit : ni le oui, ni le non ne sauveront l’UE d’une crise majeure

Dans quelques jours, le Conseil européen présidé par le polonais Donald Tusk donnera très probablement son feu vert à l’accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni visant à permettre à David Cameron, le premier ministre britannique, de gagner le référendum qu’il a décidé d’organiser sur le maintien de son pays au sein de l’Union.

Le paradoxe est que quelle que soit l’issue du référendum, les citoyens européens seront les grands perdants de cette consultation. La tentation populiste et le repli nationaliste que l’on observe en Europe mais aussi aux États-Unis, les tensions internationales et les guerres multiples notamment aux frontières de l’Europe, une probable nouvelle crise financière mondiale ne font qu’accroître substantiellement les conséquences négatives qui suivront ce référendum.

Si le oui l’emporte, le Royaume-Uni restera certes au sein de l’UE mais inscrira dans le marbre son statut dérogatoire au sein de l’UE. Dans le contexte populiste actuel, de nombreux États auront à leur tour la tentation de demander des exceptions aussi bien au sein de la zone euro qu’à l’extérieur, aussi bien à l’ouest qu’à l’est ou au nord de l’Union. La multiplication des dérogations remettra en cause trois idées fondatrices du projet européen moderne : la liberté de circulation, l’égalité de droits et de devoirs des citoyens européens, la nécessaire solidarité notamment financière entre les États pour réduire les inégalités.

Déclin accéléré

Cette rupture croissante et accélérée d’égalité mine l’idée d’un intérêt général supérieur et d’une union toujours plus étroite entre les États et les citoyens du continent.
Quant à l’euro zone, la requête britannique visant à établir un droit de regard sur l’avenir de la zone des pays n’ayant pas adopté la monnaie unique pourrait retarder les réformes nécessaires à un fonctionnement efficace mais aussi ralentir la capacité de décision de la zone euro en cas d’une nouvelle crise financière très probable. L’esprit européen et le soutien populaire de nos concitoyens au projet européen ne pourront dans un tel contexte que décliner de manière accélérée.

Si le non l’emporte, l’impact de la sortie du Royaume-Uni sera encore plus grave et rapide que son maintien au sein de l’Union. Elle donnera immédiatement au monde le signal de régression de l’Europe dans le monde. D’autres pays de l’Union comme la Hongrie ou la Pologne mais aussi peut-être même les Pays-Bas et le Danemark auront la tentation d’organiser des référendums similaires. Elle engendra des spéculations quant à la survie même du projet européen. Le risque n’est rien moins que de plonger l’Europe dans le plus grand chaos de son histoire depuis la fin de la deuxième mondiale et d’accélérer sa désintégration et sa marginalisation dans un monde qui n’est plus dominé depuis la crise financière de 2007 par l’Occident.

Londres perdra son statut de capitale financière

Les conséquences négatives pour la Grande-Bretagne seront également multiples : l’Écosse organisera un nouveau référendum pour sa sortie du royaume. L’Angleterre n’étant plus dans l’Union perdra sa relation spéciale avec Washington qui faisait du pays la tête de pont des États-Unis au sein de l’UE. Londres perdra son statut de capitale financière de l’Union européenne au profit de Francfort qui accueille déjà le siège de la Banque centrale européenne alors même que ce statut était jusqu’à présent une des clés de la croissance britannique.

Au niveau mondial, dans un environnement économique et financier extrêmement incertain, les risques d’une nouvelle crise financière durable se trouveront accrus et son ampleur démultipliée. Enfin la capacité de la planète à résoudre des conflits géopolitiques qui requièrent l’engagement financier de l’Europe et un minimum d’unité politique entre Européens se trouvera réduite.

La dynamique en cours a ainsi toutes les chances de mener les Européens au bord de l’abysse. Comment éviter le chaos ? Comment transformer ces risques en opportunité ? Voilà la question à laquelle devraient s’atteler les institutions européennes et tout particulièrement le Conseil européen qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union. Or aujourd’hui, personne au sein des institutions européennes ne veut évoquer l’impact négatif du référendum ni les mesures à mettre en œuvre dans sa foulée pour limiter la casse. Tout se passe comme si le silence servait de palliatif.

Pourtant la raison et le courage voudraient que les Européens travaillent à un projet de renaissance du projet européen. Dans les milieux bruxellois, beaucoup s’attendaient à ce que le récent dîner entre la chancelière allemande et le président français débouche une série de propositions permettant d’offrir des perspectives positives d’avenir pour l’Europe.

L’initiation dès maintenant d’un plan de « renaissance » de l’Europe qui pourrait s’articuler autour de quelques projets emblématiques pour les citoyens et d’un renforcement de la zone euro aurait le double intérêt de désamorcer les risques post-référendaires de désintégration l’Europe mais aussi de rendre plus sexy l’Europe pour les Britanniques.

Au Royaume-Uni, l’un des arguments du Brexit est l’inutilité d’appartenir à une Union européenne sans ambition ni puissance. Dans un tel contexte, il est urgent que tous ceux qui croient à la nécessité de faire de l’Europe une grande puissance démocratique dans la mondialisation, capable de porter et de défendre les valeurs et les intérêts européens dans un monde multipolaire se mobilisent. Il serait également opportun que la France, si elle a encore une ambition pour l’Europe, prenne sans attendre l’initiative d’une telle mobilisation.

Guillaume Klossa est le fondateur du think tank EuropaNova. Il a été sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe au Conseil européen. Il est notamment l’auteur d’Une jeunesse européenne (Grasset, 2014).

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