Cambodge: l'inlassable quête du pouvoir absolu d'un dictateur

Il y a exactement trois ans, le 11 février 2017, j’ai démissionné de la présidence du Parti du salut national (PSN), parti d’opposition prometteur qui, un an seulement après sa fondation, avait recueilli presque la moitié du suffrage populaire aux élections de 2013, et cela malgré une fraude massive au profit du parti au pouvoir du Premier ministre Hun Sen.

Paradoxalement – l’ombre de Kafka se profile sous toute dictature – c’était pour préserver l’existence et l’avenir de ce PSN que je devais en abandonner la direction. En effet, dans les jours et semaines qui avaient précédé ma démission, Hun Sen avait poussé à l’adoption d’une série de lois qui interdisent à tout proscrit de diriger un parti politique, sous peine de dissolution de ce parti. Le proscrit visé ne pouvait être que moi car j’étais le seul chef de parti à avoir fait l’objet de multiples condamnations – toutes de nature politique – collectées durant ma longue confrontation avec Hun Sen. Et le parti visé ne pouvait être que le PSN, étant le seul parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale où il faisait jeu presque égal avec le parti au pouvoir, donc le seul à pouvoir faire peur à Hun Sen.

Si ma démission a désarçonné Hun Sen pour un temps dans sa tentative d’éliminer le PSN, ce dictateur est vite reparti en besogne en s’attaquant cette fois-ci à Kem Sokha, mon remplaçant à la tête de ce parti dont il avait été cofondateur avec moi en 2012 en acceptant une fusion de nos deux partis respectifs. Mais pour Hun Sen, les lois créées pour moi en 2017 ne pouvant plus s’appliquer, il fallait recourir à d’autres moyens pour réaliser le même but d’éliminer le PSN. Hun Sen n’a alors rien trouvé de mieux que d’accuser Kem Sokha de «trahison» avec «collusion avec l’étranger». C’est cette accusation fallacieuse montée de toutes pièces qui allait servir de nouveau prétexte pour prononcer finalement et effectivement la dissolution du PSN le 16 novembre 2017.

Depuis son arrestation arbitraire dans la nuit du 3 septembre 2017, Kem Sokha a été injustement privé de liberté pendant deux années : la première en prison, la deuxième en résidence surveillée. Son procès a commencé le 15 janvier dernier. N’ayant pas le droit de quitter le Cambodge, Kem Sokha reste avant tout un otage de Hun Sen.

Ce que je viens de rappeler montre le caractère dérisoire mais en même temps odieux et révoltant du procès de Kem Sokha : ce n’est qu’une mise en scène grossière et cynique de la part de Hun Sen pour justifier la dissolution du PSN qui représente le dernier obstacle pour ce Premier ministre ancien Khmer rouge dans sa quête d’un pouvoir absolu à vie.

Par Sam Rainsy, président par intérim du Parti du salut national (PSN).

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