Ce que peut l’Europe au Proche-Orient

Du point de vue du processus de paix au Proche-Orient, l’année 2010 risque d’être bien en deçà des attentes. Après le désastre humanitaire de Gaza, l’arrivée du président Barack Obama à la Maison Blanche, en 2009, avait généré de nouveaux espoirs. Aujourd’hui, nous savons que l’administration Obama ne pourra apporter à elle seule une solution à cette crise et qu’il est temps de remobiliser toutes les parties impliquées. Les risques d’une troisième intifada se multiplient et nous devons prendre ces menaces au sérieux. En cela, l’Europe ne peut accepter le statu quo.

Les conclusions du Conseil européen de décembre 2009 constituent une première étape pour sortir de l’impasse. L’Europe demande la réouverture immédiate des négociations de paix sur la base d’une solution à deux Etats, indiquant que l’UE ne reconnaîtrait aucun changement aux frontières d’avant 1967, y compris pour Jérusalem, à moins d’un accord entre Israël et l’OLP. Toutes les parties concernées, y compris Israël, doivent prendre les conclusions du Conseil européen comme point de départ de futures négociations. D’autant qu’après des années de discussions, les principes d’une solution durable au conflit sont connus : frontières de 1967 (avec échanges réciproques de terres), Jérusalem capitale des deux Etats, une sécurité strictement garantie et une solution négociée sur la question des réfugiés. L’annonce de pourparlers de proximité est un pas dans la bonne direction. Maintenant, il ne s’agit pas de réinventer la roue mais d’agir.

La fenêtre d’opportunité permettant une solution viable est de plus en plus étroite. Il est indispensable de surmonter les obstacles aux avancées politiques. Israël doit stopper sa politique de colonisation et clairement démontrer sa volonté d’aboutir à un traité de paix. Les récents permis octroyés à Jérusalem-Est et en Cisjordanie sont totalement inacceptables. Benyamin Nétanyahou doit faire preuve de courage politique s’il ne veut pas rester dans l’histoire comme «Bibi, l’homme des occasions manquées». Je lance également un appel aux travaillistes, le parti d’Itzhak Rabin, à jouer un rôle plus ferme en faveur de la paix.

Malgré la réticence israélienne, l’Europe, avec Catherine Ashton, responsable de la diplomatie européenne, et Miguel Angel Moratinos, ministre des Affaires étrangères de la présidence espagnole de l’UE, doit contribuer à créer un climat de confiance mutuelle dans la région. Tout d’abord, l’UE pourrait jouer un rôle dans les pourparlers de proximité et promouvoir le plan arabe.

Deuxièmement, l’UE doit s’engager à améliorer ses relations avec la Palestine (via un accord d’association) et avec Israël (sur la base des progrès accomplis sur le terrain). Troisièmement, dans le cadre de sa stratégie d’engagement dans la région, l’UE doit œuvrer à l’entrée de l’Autorité palestinienne au sein d’organisations internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce ou Interpol. Cela faciliterait son accession au sein de la communauté internationale une fois devenu un Etat à part entière. Quatrièmement, au niveau symbolique, le Parlement européen pourrait envoyer une délégation de 242 députés (la résolution 242 de l’ONU demande le retrait d’Israël aux frontières de 1967) afin de lancer un appel en faveur de la paix. Enfin, l’UE doit d’ores et déjà prendre des engagements, tant au niveau financier que sécuritaire, en vue de la période suivant la signature d’un accord de paix. Les acteurs locaux ne s’aventureront pas en terrains inconnus. L’UE pourrait envoyer des forces sur le terrain, dans le cadre d’une mission de type Finul, par exemple.

Le Premier ministre Ehud Olmert et le président Mahmoud Abbas étaient sur le point d’arriver à un accord de paix en 2008 qui fut réduit à néant par la guerre à Gaza. N’attendons pas qu’une autre guerre éclate. Les victimes innocentes sont déjà trop nombreuses. Il s’agit de la dernière ligne droite avant d’arriver à un accord, chacun doit donc accomplir un effort. L’Europe doit tirer la sonnette d’alarme et rappeler toutes les parties à leurs devoirs. L’UE est prête à contribuer à l’objectif final de deux Etats indépendants, vivant en paix l’un à côté de l’autre. Assurons-nous que cet appel soit entendu par chacun.

Poul Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen, ex-Premier ministre danois.