C'est l'atome iranien qui nous menace, M. Grass !

En 2008, le président américain Barack Obama a fait campagne en s'engageant, notamment, à redresser la situation économique et à surmonter la crise internationale provoquée par l'Iran. Il souhaitait discuter avec Téhéran afin de régler le contentieux nucléaire. M. Obama arrive à la fin de son mandat et la crise avec l'Iran est plus critique que jamais. D'un côté, les dirigeants iraniens menacent de fermer le détroit d'Ormuz ; de l'autre côté, les tambours de guerre se font entendre.

Il y a de multiples raisons pour lesquelles il faut empêcher l'Iran de se doter de l'arme atomique. Si ce régime se dote d'un tel arsenal, il devient intouchable. Il fera régner la terreur sur le peuple iranien pour les décennies à venir. Le peuple iranien souhaite, désire la fin de ce régime.

Si l'Iran se dote de l'arme atomique, les autres pays du Golfe, qui sont tous des dictatures liberticides, en premier lieu l'Arabie saoudite, exigeront la bombe au nom de l'équilibre des pouvoirs militaires, comme entre le Pakistan et l'Inde. Mais ni le Pakistan ni l'Inde ne sont des producteurs de gaz ou de pétrole. Imaginez le prix du pétrole ou du gaz si les dictatures du Golfe, l'Iran, l'Arabie saoudite se dotent de l'arme atomique. La crise économique mondiale sera éternelle, incontrôlable et explosive.

Les dirigeants iraniens, à l'opposé des dirigeants occidentaux de l'Amérique ou de l'Europe qui ont une politique internationale à court terme qui change à chaque fois que le président change, ont une politique portant sur des décennies, voire des siècles. Illuminés, ils entendent gouverner jusqu'à la venue du dernier imam chiite, le Mahdi ("messie"), le jour de l'Apocalypse et du Jugement dernier. Nous sommes dans deux temporalités différentes.

Cependant, ni l'ayatollah Ali Khamenei ni le président Mahmoud Ahmadinejad ne sont assez fous pour aller jeter leur première bombe atomique sur Israël (même s'ils souhaitent sa disparition), d'autant qu'ils savent que la bombe retomberait sur leur propre tête avant d'atteindre le ciel israélien. Non. Ils feront un usage beaucoup plus intelligent de la bombe.

Avec la bombe, Téhéran pourra soutenir plus efficacement le Hamas et le Hezbollah, et tous les mouvements intégristes et terroristes dans le monde. A plus long terme, l'Etat d'Israël, entouré de pays antisionistes dotés de l'arme atomique, se trouverait condamné à la disparition et l'un des voeux de Téhéran se trouverait ainsi exaucé. Les dirigeants iraniens, encore une fois, vivent, pensent, agissent dans une autre temporalité, incompréhensible aux dirigeants occidentaux. La bombe atomique du régime khomeiniste de Téhéran est avant tout un danger pour le peuple iranien.

Je m'oppose à ce que l'Iran acquière la bombe atomique mais également des technologies nucléaires civiles, et ce, peu importe le régime en place à Téhéran. Alors que l'on parle de plus en plus de la protection de la planète, du traitement des déchets nucléaires et des catastrophes causées par l'atome, l'Iran, un pays où le risque sismique est élevé, n'a nul besoin de ce type d'énergie.

En outre, il y a suffisamment de pays qui possèdent l'arme atomique ; n'aggravons pas une situation qui est déjà absurde et dangereuse pour l'humanité.

Outre ses ressources en pétrole et en gaz, l'Iran a du soleil à revendre à tous les pays du Nord. Ce pays, trois fois plus grand que la France, possède deux immenses déserts. Plus de 70 % du territoire iranien, soit deux fois la France, est ensoleillé onze mois par an. Pourquoi n'avoir pas investi depuis la fin de la guerre Iran-Irak, en 1988, dans l'énergie solaire, dont le coût était moindre que celui de l'énergie atomique, si le but du régime était vraiment d'assurer à l'Iran une indépendance énergétique pour les décennies ou les siècles à venir ?

Le chah d'Iran voulait la bombe atomique et les mollahs poursuivent le même objectif, à supposer qu'ils ne l'aient pas déjà atteint. La dernière déclaration des dirigeants iraniens laisse place au doute : ils ont mis en garde Israël et les Etats-Unis en affirmant que Téhéran répondrait à toute attaque par une attaque de "même niveau".

Pour répondre à l'écrivain Günter Grass, je dirais que la paix dans le monde a été mise en danger lorsque le président Jimmy Carter a soutenu, au moment de la révolution iranienne de 1979, cet intégriste terroriste qu'était l'ayatollah Khomeyni : celui qui changea la face du monde en violant toutes les règles, toutes les lois et toutes les conventions internationales.

On dit souvent que les talibans et Al-Qaida sont des dégâts collatéraux de la politique internationale de l'Amérique, mais on omet souvent de rappeler que le régime iranien en est un aussi.

Chahdortt Djavann, anthropologue et romancière, auteure de "Je ne suis pas celle que je suis" (Flammarion, 2011).

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