CETA : oui, « un mécanisme international de règlement des différends » est nécessaire

Décidément, l’Union européenne vit des heures difficiles. Après la volonté exprimée par les Britanniques de quitter l’Union, la Wallonie vient de placer les institutions européennes dans une situation diplomatiquement délicate envers le Canada, en raison notamment de son hostilité envers la cour permanente relative aux investissements (ICS) chargée de remplacer les mécanismes arbitraux (ISDS) dans le cadre du traité de libre-échange avec le Canada (CETA).

Sans que l’on ne sache encore si cet accord de libre-échange entrera un jour en vigueur, les événements récents constituent d’ores et déjà le nouvel épisode du feuilleton controversé des mécanismes internationaux de règlement des différends relatifs aux investissements. Que l’on pense seulement au feu des violentes critiques subies par l’ISDS dans le contexte du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, ou TTIP en anglais). Si la critique est inévitable, tant aucun système ne peut être parfait, on peut cependant s’interroger sur les raisons de ce vif antagonisme envers ces mécanismes internationaux.

Le populisme de moins en moins rampant en Europe et ailleurs en est une malheureusement. La démagogie de certains politiques qui ont vu en la critique de l’arbitrage ISDS une opportunité facile de flatter l’électorat, à coup sûr. L’aversion idéologique chez certains responsables politiques ou associatifs que suscite la libéralisation des flux d’investissements, certainement. L’amalgame entre l’ISDS et les dérives de la mondialisation, inévitablement.

Manque de clarification

Seulement, les raisons ne sont pas uniquement à chercher dans le contexte idéologique, politique et juridique dans lequel les négociations des accords de libre-échange se tiennent. Il faut également s’intéresser à la conduite même des acteurs directs et indirects de ces négociations, notamment les « exécutifs » nationaux et européens.

A force d’avoir acquiescé aux perceptions et croyances exprimées par une opinion publique sous-informée et mal informée, à force de pas avoir réalisé un travail de clarification et de démythification suffisant, ils ont contribué à construire une image erronée du travail des arbitres. Par là même, ils ont apporté une caution institutionnelle à la vision travestie présentée par nombre de groupes associatifs et organisations non gouvernementales.

Les exécutifs nationaux et européens sont dès lors en porte-à-faux. Contrairement à une partie de l’opinion publique européenne qui rejette catégoriquement tout mécanisme international de règlement des différends relatifs aux investissements, ils ne veulent pas s’en départir. Ce décalage leur promet à n’en pas douter d’autres déconvenues.

Une remise en cause plus profonde et plus large

En effet, à imaginer même que le CETA entre un jour en vigueur, on peut déjà dresser la liste des critiques et autres doléances qui ne manqueront pas d’être formulées par l’opinion publique contre une « cour permanente internationale ». Surtout, lorsque cette cour statuera un jour contre un Etat et le « condamnera » à indemniser un investisseur, qui ne dénoncera pas l’interférence inacceptable d’une cour, certes publique, mais internationale, avec le droit souverain des Etats à réglementer. Que l’on pense aux critiques dont fait aujourd’hui l’objet la Cour européenne des droits de l’homme.

Dans ce contexte, les exécutifs nationaux et européens devraient plus clairement expliquer la nécessité d’offrir un cadre juridique international aux opérations d’investissements étrangers et les avantages d’un mécanisme international de règlement des différends. Si tant est qu’ils soient prêts à s’engager sur ce chemin, le peuvent-ils seulement ?

Au regard de leur incapacité à convaincre les populations européennes de la nécessité même du projet européen, on peut en douter. En fait, les peurs et antagonismes générés par le CETA et autres accords de libre-échange s’inscrivent dans le cadre d’une remise en cause plus profonde et plus large des projets et mécanismes européens et internationaux ayant permis durant plus d’un demi-siècle d’assurer une certaine coopération entre les nations.

Par Yannick Radi, professeur de droit international à l’Université catholique de Louvain.

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