Changement climatique : améliorer la santé, une façon de lutter

Nos modes de vie ont causé des dégradations majeures de notre environnement planétaire. « Nous avons brûlé notre pétrole et nos forêts sur notre chemin vers la croissance. Nous avons cru à la consommation sans conséquence. Sur le long terme, ce modèle est une recette pour un désastre, un pacte de suicide global », déclarait en 2011 Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. La dégradation de notre environnement inclut l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, l’émission de gaz à effets de serre, la pollution de l’air, des sols, des nappes phréatiques et des mers, la déforestation, l’épuisement des sols et des réserves d’eau par l’agriculture et l’élevage intensifs et des ressources maritimes par la pêche intensive, la dégradation des écosystèmes et de la biodiversité, l’émergence de maladies infectieuses d’origine animale. Et ces dégradations ont, indépendamment de leur effet sur le changement climatique, des effets négatifs majeurs sur la santé humaine.

La pollution est responsable d’un quart des maladies dans le monde. La seule pollution de l’air a réduit l’espérance de vie moyenne de plus de cinq ans en Chine et de plus de trois ans en Inde. En Europe, elle provoque, chaque année, la mort de 600 000 personnes et des dépenses de santé de 1 400 milliards d’euros. Le coût des énergies fossiles, quand on le compare à celui des énergies propres et renouvelables, devrait intégrer ces coûts humains et économiques induits par les dégâts de santé que leur utilisation entraîne. Dans nos pays riches, pour le moment et malgré les dégradations de l’environnement, l’espérance de vie moyenne à l’âge adulte augmente. Mais c’est au prix d’inégalités croissantes, à l’intérieur de nos pays, et entre pays riches et pays pauvres. Non seulement notre mode de développement économique et social n’est pas durable pour les générations futures, mais il est de plus en plus inéquitable pour les générations actuelles.

Dans le monde, 2 milliards de personnes vivent dans l’insécurité alimentaire, 1,2 milliard n’ont accès ni à l’eau potable ni aux sanitaires, 850 millions souffrent de faim et de dénutrition et le développement mental de 250 millions d’enfants est profondément altéré par la pauvreté, la pollution et la sous-alimentation. Les populations dont la vie et la santé sont les plus menacées par les dégradations de l’environnement et du climat – qui sont causes de conflits violents, de déplacements forcés, de migrations et de propagation des maladies infectieuses – sont celles-là mêmes qui sont déjà aujourd’hui les plus vulnérables : celles qui vivent dans la pauvreté, les populations urbaines des bidonvilles, les populations rurales des régions arides, celles qui habitent dans des îles ou près des côtes exposées à l’élévation du niveau des mers…

« Nous ne pouvons pas résoudre les problèmes avec la même façon de penser que celle qui les a engendrés », disait Einstein. Il nous faut un renversement de perspective : c’est l’Humanité qui doit être au centre de nos préoccupations. Au lieu de focaliser sur la seule lutte contre le changement climatique, au risque d’aggraver les inégalités et les drames humains, nous devrions concentrer nos efforts sur des mesures qui améliorent la santé humaine en préservant l’environnement : l’utilisation d’énergies propres et renouvelables, la lutte contre toutes les formes de pollution, le changement des modes d’agriculture et de pêche, la diminution de la pauvreté, l’accès de tous aux droits fondamentaux, à la nourriture, à l’éducation et aux soins. Une telle approche aurait, au-delà de ses effets favorables sur le changement climatique, des effets bénéfiques majeurs sur la santé humaine.

Nous pouvons tous y contribuer, individuellement et collectivement. En mettant en commun nos réflexions et nos efforts. En faisant preuve de sobriété, d’inventivité et de solidarité. En réduisant notre consommation inutile d’énergie, en soutenant les produits d’une agriculture et d’une pêche durables et d’un commerce équitable. En œuvrant pour le développement et l’utilisation des énergies propres et renouvelables, des projets d’urbanisation centrés sur les transports publics, l’isolement énergétique des habitations, les espaces verts, et un aménagement des territoires respectueux de l’environnement et de la biodiversité. En exigeant le soutien aux recherches scientifiques indispensables, une aide internationale aux pays pauvres, une régulation de l’économie qui prenne en compte ses effets sur la santé humaine, la pauvreté et l’environnement, et qui garantisse la stabilité et l’accessibilité des prix des denrées alimentaires. Et en luttant pour les droits des plus démunis, partout dans le monde. Car protéger d’abord ceux qui sont les plus vulnérables n’est pas seulement un impératif éthique, c’est aussi la seule façon de créer, à terme, les conditions qui nous permettront de nous protéger tous.

Jean Claude Ameisen est président du Comité consultatif national d’éthique. Il a présidé la Conférence française pour la biodiversité et le Comité de révision de la stratégie nationale pour la biodiversité.

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