Changement climatique : tous les voyants sont au rouge

Nous vivons sur une planète où nos activités ont déjà modifié le climat, avec, en premier lieu, les émissions de gaz à effet de serre liées, pour une grande part, à l’utilisation de combustibles fossiles. Paru en 2014, le 5e rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) confirme le réchauffement actuel et son lien avec nos activités.

Pour l’avenir, notre climat dépendra largement de la façon dont vont évoluer nos émissions de gaz à effet de serre, elles-mêmes déterminées par la taille de la population, l’activité économique, les modes de vie, l’utilisation des terres, le développement technologique ainsi que des politiques climatiques. L’éventail des scénarios d’émission et des impacts qui y sont associés est donc très large, depuis un scénario sobre, qui pourrait contenir le changement climatique dans la limite des 2 °C, à un scénario émetteur correspondant plus ou moins à la poursuite de la tendance observée au cours des dernières décennies.

A la fin du siècle, ce dernier scénario conduirait à un réchauffement moyen de 4,5 °C par rapport au climat préindustriel, et à un monde complètement différent de celui dans lequel nous vivons. En effet, ce réchauffement serait du même ordre – mais environ 50 fois plus rapide – que celui qui a accompagné la dernière déglaciation. Et, poursuivant sa course, il pourrait atteindre 6 à 8 °C au cours des deux prochains siècles. La seule évocation d’un réchauffement de 4 à 5 °C fait état de risques élévés à très élevés. Tous les voyants sont au rouge. Il serait très difficile, voire impossible aux populations, mais aussi à la flore, à la faune, aux écosystèmes, de s’y adapter.

Les récifs coralliens soumis au réchauffement et au doublement de l’acidité des eaux océaniques seraient très touchés. Tous les extrêmes climatiques, ou presque, deviendraient plus fréquents ou/et plus intenses. C’est le cas des vagues de chaleur et, dans certaines régions, des sécheresses affectant les ressources en eau. L’intensité des cyclones les plus violents pourrait augmenter jusqu’à 10 % pour les vitesses maximales des vents et 20 % pour les précipitations associées. Le changement climatique devrait provoquer une augmentation des déplacements de population et pourrait accroître indirectement les risques de conflits violents – guerres civiles, violences interethniques – en exacerbant les sources connues de conflits que sont la pauvreté et les chocs économiques.

La perte de biodiversité et la disparition des biens et services associés seraient très affectées. Les risques liés à la sécurité alimentaire seraient aggravés aussi bien au niveau de la productivité de la pêche que de celle des principales cultures des régions tropicales et tempérées : blé, maïs, riz et soja. Sur l’ensemble du siècle, ce réchauffement conduirait à une détérioration de l’état de santé dans de nombreuses régions, en particulier dans les pays en développement à faible revenu.

Enfin, même si les émissions de gaz à effet de serre étaient stoppées, de nombreux impacts persisteraient pendant des siècles : si les émissions de CO2 se poursuivaient, l’acidité de l’océan continuerait d’augmenter, affectant fortement les écosystèmes marins ; l’étendue du pergélisol serait réduite dans les hautes latitudes du Nord. De façon claire, les risques de ces changements abrupts et/ou irréversibles augmentent avec le réchauffement. L’élévation du niveau de la mer, aux conséquences très importantes dans des régions côtières, où se concentrent très souvent les populations, pourrait atteindre 80 cm en 2100 et se poursuivrait au-delà, jusqu’à 3 m en 2300. La calotte du Groenland pourrait disparaître en un millénaire ou plus si la température était maintenue au-dessus d’un certain seuil, ce qui correspond à 7 m d’élévation du niveau de la mer.

Cette même analyse de l’évolution des risques climatiques justifie pleinement l’objectif des 2 °C que s’est fixé la Convention climat. Demain, le climat sera clairement différent de celui dans lequel nous vivons aujourd’hui mais, si le monde est solidaire, il devrait être possible de s’y adapter. Au moins pour l’essentiel, car, en tout état de cause, bien des écosystèmes vont être bouleversés et certaines régions, des petites îles en particulier, sont déjà très sensibles à des élévations du niveau de la mer de quelques dizaines de centimètres.

Jean Jouzel est directeur de recherches au CEA et vice-président du groupe de travail scientifique du GIEC. Il est aussi, avec Anne Debroise, l’auteur de Climat : jeu dangereux. Dernières nouvelles de la planète (Dunod, 2007), et Le Défi climatique. Objectif : + 2 °C (Dunod, 2014).

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