Chavisme = pinochétisme : l’équation qui tue

Un graffiti à Caracas, au Venezuela, représentant l'ancien Président Hugo Chavez, et le héros Simon Bolivar, "libérateur de l'Amérique Latine". Photo : Luis Robayo. AFP
Un graffiti à Caracas, au Venezuela, représentant l'ancien Président Hugo Chavez, et le héros Simon Bolivar, "libérateur de l'Amérique Latine". Photo : Luis Robayo. AFP

Que le gouvernement de Nicolás Maduro et le PSUV (Parti Socialiste Unifié Vénézuélien) aient enregistré une cuisante déroute – synonyme d’authentique rupture dans la vie politique des seize dernières années – lors des élections législatives vénézuéliennes du 6 décembre dernier ne fait aucun doute. Et que cette déroute soit largement due, en plus d’une conjoncture économique défavorable et de choix politiques hasardeux, à une forte dérive autoritaire consécutive à la mort du Hugo Chávez en mars 2013, mais plongeant également ses racines dans la seconde moitié des années 2000, non plus. Mais faut-il pour autant perdre toute forme de raison, comme dans cet article, intitulé Au Venezuela : nette victoire de l’opposition et publié sur le site de Libération, au point de saluer la possibilité qui serait désormais ouverte d’une «transition démocratique» et d’ériger la MUD (Table de l’Unité Démocratique), qui réunit presque toute l’opposition au gouvernement Maduro, en une brave coalition progressiste ? À peu de chose près, on se croirait revenu aux grandes heures du coup d’Etat d’avril 2002 lorsque certains médias espagnols ou nord-américains – pour ne citer que ceux-là – célébraient l’éphémère renversement du gouvernement de Chávez, issu de la souveraineté populaire, comme un salutaire retour à la démocratie.

Peindre la MUD en une coalition poliment centriste et résolument ouverte au dialogue relève, par ailleurs, de la naïveté ou de l’aveuglement. Une part non négligeable de ses figures les plus en vue, au premier rang desquelles Henrique Capriles et Leopoldo López, ont directement participé au coup d’Etat d’avril 2002 ou l’ont chaleureusement applaudi. Piliers du bipartisme vénézuélien entre 1958 et 1998, le parti social-démocrate Acción Democrática et le parti démocrate-chrétien COPEI sont ceux-là mêmes qui ont administré la transition au néolibéralisme au tournant des années 1980 et 1990 et peuvent être considérés comme directement responsables des 48,5 % de pauvres qui, en 1998, au moment de la première élection de Chávez au Palacio Miraflores, peuplaient un pays richissime en pétrole depuis la fin des années 1910. Affirmer cela ne revient à être «fanatique de la violence populaire» ou «nostalgique d’une révolution fantasmatique réanimant les mythes bolchevik et cubain», mais tout simplement à savoir que la MUD est une alliance de circonstance réunissant des antichavistes de toutes obédiences – depuis la droite extrême jusqu’à une gauche révolutionnaire ayant rompu avec la révolution bolivarienne – et n’ayant guère de chance de résister en l’état à l’épreuve du pouvoir qui devrait lui incomber un jour ou l’autre.

Olivier Compagnon, historien (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et directeur de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine.

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