Chute du prix du pétrole : un frein pour la transition énergétique?

La conjoncture actuelle de chute des prix du pétrole ne fait pas que des heureux. Si à court terme elle satisfait les consommateurs, qui gagnent en pouvoir d'achat et en sont donc les premiers bénéficiaires, elle soulève également des incertitudes quant à son impact sur la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables dans le monde.

Pour mémoire, le prix du baril gravite désormais autour de 60 dollars, après être tombé juste au-dessus de 40 dollars à la mi-mars. Conséquence de la forte volatilité des cours depuis juin 2014, le marché peine à se stabiliser face aux incertitudes sur le niveau à venir de l'offre. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui décidait de son objectif de production pour les six mois à venir à l'occasion de sa réunion semestrielle qui s’est tenue les 5 et 6 juin à Vienne (Autriche), a choisi de de maintenir son quota officiel de production de 30 millions de barils par jour.

Cette inquiétude survient dans un contexte de grands investissements dans les énergies renouvelables, qui ont progressé de 16% en 2014. En outre, d'autres décisions d'investissement, dans l'éolien et le solaire en particulier, sont attendues en forte augmentation pour cette année.

Si la chute des cours ne semble donc pas avoir affecté les projets en matière d'énergies renouvelables à travers le monde dans l'immédiat, aura-t-elle un effet notable dans les prochains mois?

Entre 2012 et 2013, les décisions d'investissement dans les énergies renouvelables avaient sensiblement diminué en Europe, alors même que les cours du brut étaient encore élevés. Ce paradoxe, qui reflète une absence de corrélation entre prix pétroliers et investissements dans les énergies renouvelables, s'explique en fait par plusieurs facteurs.

D'une part, il faut souligner la tendance haussière du baril à long terme. En effet, le prix du pétrole ne fait qu'augmenter depuis le choc pétrolier de 1973. Or tant l'amenuisement des réserves conventionnelles de pétrole que la croissance démographique devraient confirmer cette tendance haussière dans les décennies à venir, favorisant ainsi la promotion de solutions alternatives et, partant, la transition énergétique.

D'autre part, le marché des énergies renouvelables, notamment électriques, obéit à d'autres règles que celles du pétrole: ces deux secteurs ne sont donc pas directement en compétition. D'ailleurs, le pétrole ne concurrence en fait directement les énergies renouvelables que pour une très faible part d'électricité (5% de l'électricité mondiale seulement).

Enfin, il faut rappeler que dans de nombreux pays, les énergies renouvelables électriques font l'objet de subventions par les Etats, ce qui préserve leur rentabilité indépendamment des aléas du marché. Il en résulte une compétitivité toujours plus grande des énergies renouvelables par rapport aux énergies fossiles.

Toutefois, l'effondrement du prix du pétrole, en raison de la réduction du coût de l'essence qui en découle, rendrait les voitures conventionnelles plus économiques, et devrait donc avoir des répercussions sur les ventes de véhicules électriques à court terme. De surcroît, les biocarburants font partie des rares énergies renouvelables à avoir fait l'objet d'une baisse des décisions d'investissement en 2014 (-7%).

Les autres bénéficiaires de la baisse du prix de l'or noir dans le domaine des transports sont les compagnies aériennes, qui voient leur facture pétrolière de 2015 allégée de manière significative. En conséquence, à court terme, ces dernières risquent d'être moins incitées à limiter la consommation moyenne de carburant par passager et à augmenter leur consommation d'énergies renouvelables.

Néanmoins, cet impact négatif sur les énergies propres dans le domaine du transport devrait être limité à long terme, car le pétrole continuera à valoir de plus en plus cher, tandis que les efforts politiques en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre se multiplieront ; autant de facteurs propices au développement d'énergies renouvelables dans le futur.

Frédéric Ichay (Avocat associé spécialisé dans le secteur de l’énergie au sein du cabinet Pinsent Masons à Paris)

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