Climat : chronique d'un échec annoncé

Cent onze chefs d'Etat devaient sauver la planète lors d'un sommet qui serait resté dans les manuels d'histoire ; Copenhague aura été un "fiasco" et c'est regrettable car les enjeux sont réels et les échéances désormais bien loin des urgences.

Au-delà des querelles diplomatiques sino-américaines, des appels au secours africains et des coups de gueule français, l'échec de Copenhague est celui de la diplomatie technique et de la gouvernance mondiale.

Précurseur en matière de régulation internationale, l'industrie maritime peut peut-être apporter un éclairage à cette impasse. Car si les Etats habitués aux législations répressives peuvent s'étonner qu'on ne parvienne pas à imposer le bâton, les coutumiers du "soft law" que nous sommes n'avaient que peu de doutes sur l'issue de négociations engagées dans le manichéisme des bons défenseurs de l'environnement contre les mauvais pollueurs.

Or, l'antagonisme n'existe plus, ONG et professionnels font cause commune depuis bien longtemps ! Attiser le clivage virtuel entre industrie et environnement est non seulement factice mais contre-productif. L'industrie maritime, par exemple, n'a attendu ni Copenhague, ni même Kyoto pour réduire ses émissions de CO2. Pourquoi ? Parce qu'intérêts économique et écologique convergent ! Réduire les émissions, c'est tout simplement réduire sa consommation. Et les soutes représentent une part si considérable de leurs charges que les entreprises maritimes n'ont pas eu besoin de l'argument écologique pour rechercher des moyens de faire des économies. Il y a bien longtemps que les opérateurs ont intégré la dimension du développement durable dans leurs stratégies d'entreprise. Même si cela leur coûte. Non parce qu'on les y a contraints. Mais parce que c'est leur intérêt bien compris.

Une deuxième piste de réflexion sur les raisons de l'échec est peut-être le périmètre de l'aire de jeu. Et dans le cas du changement climatique, l'échelle ne saurait être inférieure à celle de la planète tout entière. C'est un peu comme la vaccination, elle doit être générale pour être effective. Et c'est là que les choses se compliquent. Car à l'échelle internationale, point de gouvernance contraignante. Même l'ONU ne peut pas tout. Et aucun chef d'Etat ne considère son secrétaire général comme un supérieur hiérarchique. Nous voilà contraints de ne pas contraindre. Pour les acteurs maritimes que nous sommes, "légiférer sans contraindre et avancer quand même" n'est rien d'autre que la mission réussie de l'Organisation maritime internationale, l'ONU de la mer, depuis plus de soixante ans. A l'échelon international, le dialogue marche mieux que le bâton ! Les avancées considérables en matière de sécurité maritime, de lutte et d'indemnisation des pollutions ont été faites dans le consensus international. Sans qu'il soit besoin de stigmatiser des coupables et des victimes. Sans qu'il soit besoin de prévoir des sanctions. Mieux ! Ces avancées se sont faites avec les professionnels.

Car enfin, quand les régulations impactent l'économie, rien ne se fait contre les acteurs économiques. De même que l'industriel s'assure par des études de marché que ses produits seront consommables, les partisans du "tout réglementaire" seraient bien inspirés de s'assurer que les règles sont applicables. Parce que la réalité, c'est ce qui résiste. Parce que quand les obstacles sont insurmontables, ils sont contournés. Parce que quand les règles sont absurdes, elles sont ignorées. Il est toujours facile d'exiger l'impossible et de sanctionner les contrevenants. Quand on ne craint pas d'échouer. Mais il est plus efficace de travailler avec ceux qui savent comment faire, ceux qui devront faire, a fortiori lorsqu'ils veulent faire. "Ça marche en pratique, disait un diplomate français lors d'une négociation complexe, mais est-ce que ça marche en théorie ?". Les enjeux climatiques sont trop importants pour les réduire à des questions de principe. Les acteurs économiques, eux, poursuivront leurs actions volontaristes, efficaces et pragmatiques, ils continueront à œuvrer en faveur de l'environnement. Avec les ONG. Sans attendre le politique.

Christian Garin, président d'Armateurs de France.