Climat : les Etats approuvent le rapport Stern, sans être prêts à amplifier leur action

Après l'alerte lancée par l'économiste Sir Nicholas Stern, lundi 30 octobre, sur les conséquences dramatiques prévisibles du réchauffement climatique, les politiques prendront-ils à leur tour la mesure de l'ampleur des changements nécessaires pour inverser la tendance ?

Les réactions dans le monde et en France permettent d'en douter, tant chacun campe sur ses positions, à quelques jours du démarrage de la 12e conférence internationale sur le climat, qui s'ouvre, lundi 6 novembre, à Nairobi, au Kenya.

Alors que le rapport Stern évoque un impact comparable à celui des guerres mondiales ou à la crise économique de 1929, les Etats-Unis, premier pays émetteur de gaz à effet de serre (GES) au monde, se bornent à constater que "le gouvernement américain a produit une foule d'analyses économiques sur la question des changements climatiques. Le rapport Stern contribue à son tour à cet effort".

Jim Connaughton, responsable du dossier à la Maison-Blanche, est récemment revenu sur la doctrine du gouvernement américain en matière de réduction des émissions. "Le protocole de Kyoto aurait créé un énorme problème économique pour les Etats-Unis car les objectifs de réduction de ces gaz (...) auraient fortement augmenté les coûts énergétiques, entraînant la délocalisation potentielle de millions d'emplois américains vers des pays non tenus par les obligations de Kyoto", a-t-il expliqué.

Alors que les pays signataires doivent réduire leurs émissions de 5 % d'ici à 2012, les émissions américaines ont augmenté de 15,8 % depuis 1990. Celles du Canada, signataire du protocole, ont augmenté de 30 %. Le gouvernement conservateur envisage d'ailleurs de s'en retirer.

L'Australie, dont les émissions par habitant sont parmi les plus élevées au monde, a, de son côté, réaffirmé son intention de ne pas ratifier Kyoto. Selon le ministre des ressources naturelles, Ian Macfarlane, ce pays est toutefois en bonne voie pour respecter les objectifs de réduction, grâce notamment au lancement de grands projets d'énergies renouvelables.

Dans son rapport, M. Stern en appelle non seulement aux grands pays industrialisés comme les Etats-Unis, mais aussi à la Chine et à l'Inde. Leurs émissions par habitant sont bien plus faibles que dans les pays développés - 2,7 t de CO2 sont émises par personne en Chine, 1,2 t en Inde, contre 9 t en Europe, et 20 t aux Etats-Unis - mais leur très forte croissance inquiète la communauté internationale. Aucune réaction n'est venue de ces pays depuis la publication du rapport.

En France, le ministre de l'économie, Thierry Breton, a délivré un satisfecit à la politique nationale. Il affirme que les enseignements du rapport Stern "ne sont pas pour surprendre le gouvernement français", tandis que la ministre de l'écologie, Nelly Olin, se déclare "en plein accord avec ses conclusions". "La France a dit très clairement qu'elle respecterait les engagements qui ont été pris dans le cadre du protocole de Kyoto", ajoute M. Breton, qui a rappelé que sa production de CO2 par habitant est "inférieure de 40 %" aux émissions moyennes des autres pays.

La France est, il est vrai, relativement bien placée (6,2 tonnes de CO2 émises par habitant) grâce à son parc nucléaire qui assure la majeure partie de ses besoins en électricité. Elle est en outre parvenue à stabiliser ses émissions (- 0,8 % entre 1990 et 2004). Elle fait ainsi mieux que l'Espagne, le Portugal, ou l'Italie, qui enregistrent de fortes hausses, mais moins bien que la Grande-Bretagne (- 14,3 %) ou l'Allemagne (- 17,2 %). Elle ne peut se reposer sur ses lauriers, car la croissance des émissions liées au secteur des transports (+ 23 % depuis 1990, dont les voitures particulières sont les principales responsables) et au secteur de l'habitat compromet ce résultat.

"Cela fait longtemps que nous expliquons que les conséquences du réchauffement peuvent concerner tous les secteurs, y compris l'économie, commente Edouard Toulouse, chargé du changement climatique au WWF France. Il est intéressant qu'un économiste tire aujourd'hui la sonnette d'alarme." Les écologistes dénoncent dans le même temps la "frilosité" des mesures prises par le gouvernement Villepin. Les nouvelles mesures prévues dans le cadre de l'actualisation du plan climat, qui doivent être annoncées à la mi-novembre, resteront trop timides, selon les organisations non gouvernementales.

"Pour éviter le pire et maintenir le réchauffement global en deçà de 2 degrés, les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de 80 % d'ici 2050", rappelle Morgane Creach, du Réseau Action Climat (RAC). "Les décisions politiques ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, ajoute Olivier Louchard du RAC. Les citoyens doivent s'approprier cette question, afin de faire pression sur les décideurs et d'obtenir des mesures fortes." Les ONG organisent une journée d'action mondiale contre les changements climatiques, samedi 4 novembre.

Gaëlle Dupont

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