Climat, pandémies et financements : l’urgence d’agir

Stopper le changement climatique et les risques pandémiques qui lui sont associés, venir à bout du sida : c’est une question de vie ou de mort pour des dizaines de millions d’êtres humains. Or, sur le plan scientifique, des solutions existent. Elles ont été étudiées, testées, approuvées. Nous en avons désormais la parfaite maîtrise.

Le changement climatique n’a jamais été une fatalité. Pour en éviter les effets dévastateurs, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 40 à 70 % d’ici 2050 et la neutralité carbone atteinte d’ici 2100 ; c’est possible même si cela implique un changement profond de notre mode de développement.

De même, un monde sans sida n’est plus une utopie mais, selon l’ONU, un objectif atteignable d’ici 2030 en permettant à tous les malades de bénéficier des trithérapies antirétrovirales. Aujourd’hui, ils ne sont que 40 % à être traités. Or, les traitements actuels ont non seulement pour effet de contrôler le virus et de maintenir en bonne santé les personnes infectées mais aussi d’empêcher de nouvelles infections.

La science a fait des avancées considérables. Elle a apporté des réponses. Aujourd’hui, stopper le changement climatique et venir à bout du sida sont avant tout une question de moyens financiers - et donc de volonté politique. Face à l’ampleur des défis, la communauté internationale a pris conscience, à partir des années 2000, que des mécanismes innovants sont nécessaires pour financer la réponse aux urgences mondiales.

En 2005, le président Jacques Chirac a été moteur dans la mise en place du premier d’entre eux : la taxe sur les billets d’avion, dont les recettes étaient reversées à 100 % à la lutte contre les grandes pandémies. En dix ans, cette manne financière a permis de révolutionner la prévention et le traitement de l’infection VIH chez les enfants séropositifs en faisant baisser le prix des antirétroviraux de 80 %.

En 2011, le président français Nicolas Sarkozy a proposé à ses partenaires du G20 de lancer ensemble une taxe sur les transactions financières (TTF), afin de générer les sommes massives nécessaires pour lutter contre le changement climatique et les grandes pandémies. Onze pays européens, dont l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et la Belgique, ont rejoint cette proposition de taxe et le commissaire européen Pierre Moscovici a annoncé qu’un accord sur la TTF européenne interviendrait avant la fin de l’année 2015.

Aujourd’hui, alors que ce financement innovant est sur le point d’aboutir, de nombreux Etats sont tentés de voir dans la TTF européenne un simple moyen de combler leurs déficits publics.

Détourner la TTF de ses objectifs initiaux serait un piège politique, pis, une erreur historique. C’est un mécanisme fiscal unique, permettant de lever des fonds pérennes, non soumis aux aléas politiques, protégés des changements de priorités annuelles qui se jouent au gré des rivalités partisanes et des échéances électorales. Or, des financements massifs et durables sont précisément ce qui manque aujourd’hui à la lutte mondiale contre le sida et le changement climatique pour remporter la bataille. Les responsables politiques doivent en prendre conscience. Il est de leur devoir de porter une vision de long terme, indispensable à un développement mondial durable et juste. La TTF est une chance historique, de celles qui ne se présentent qu’une fois par siècle, de réussir enfin à financer les urgences mondiales.

La France, en particulier, a de précieuses cartes en main, puisqu’elle reçoit en décembre le sommet sur le climat. Il y a dix ans, Jacques Chirac avait réussi à concrétiser son projet de taxe solidaire sur les billets d’avion en invitant ses partenaires pour un sommet international à Paris sur l’utilisation des recettes de la taxe.

A partir d’aujourd’hui, les chefs d’Etat du monde entier se réunissent au siège de l’ONU à New York pour tirer le bilan de quinze ans d’aide au développement et fixer de nouveaux objectifs d’ici à 2030, dont la fin du sida et la lutte contre le changement climatique. C’est l’occasion pour la France d’inviter ses partenaires à un sommet à Paris consacré à l’utilisation des recettes de la taxe européenne sur les transactions financières. Face aux millions de personnes menacées par ces fléaux, il en va de notre responsabilité à tous.

Jean Jouzel , Climatologue, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec, prix Nobel de la paix 2007) , Françoise Barré Sinoussi,  Professeure, chercheure en virologie, prix Nobel de médecine 2008.

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