Comment le Mexique traque les barons de la drogue

J’ai trouvé, en arrivant à la présidence de la République en décembre 2006, une situation d’insécurité croissante en plusieurs points du pays, à laquelle les autorités du moment n’avaient pas apporté de réponse. En outre, les institutions chargées de la sécurité et de la justice, en particulier au niveau des Etats et des municipalités, étaient affaiblies par la cooptation et l’intimidation des organisations criminelles.

De manière focalisée, la violence allait augmentant comme résultat d’une lutte entre les organisations criminelles. Actuellement, neuf homicides sur dix se produisent entre membres de groupes criminels. Il est vrai que les homicides les plus violents ont eu une résonance dans le monde. Cependant, cette violence est fondamentalement la conséquence de la lutte que certains groupes criminels mènent contre d’autres, dans le cadre d’un processus d’instabilité provoqué par la confrontation et la rupture interne, de même que par l’action déterminée du gouvernement fédéral qui les affaiblit et les rend plus vulnérables à l’action de la justice.

Mon gouvernement a décidé de faire face au problème et de ne pas l’éluder. C’est pourquoi nous avons mis en place une stratégie intégrale destinée à mettre un terme à l’action criminelle. La Stratégie nationale de sécurité est constituée de cinq volets.

1. Opérations conjointes de soutien aux autorités locales et aux citoyens.

Pour éliminer la menace du crime organisé et soutenir les instances locales dans la préservation de l’ordre, la présence d’une force supérieure était nécessaire. C’est pourquoi nous avons déployé la police fédérale et les forces armées dans des régions spécifiques du pays en vue de renforcer la présence de l’autorité publique.

Comme jamais auparavant, nous sommes en train d’affaiblir les structures logistiques et financières de la délinquance. Nous avons réussi à effectuer des saisies historiques de drogues, d’armes et d’argent illicite. Ainsi, plus de 84 000 armes ont été saisies en trois ans, soit un nombre supérieur à ce que le gouvernement colombien a saisi aux FARC au cours de la dernière décennie.

En outre, nous avons frappé avec fermeté toutes les organisations criminelles. Rien qu’en 2009, nous avons arrêté 70 lieutenants de tous les cartels. Aucun gouvernement précédent n’avait enregistré un tel succès. Et, au cours des six derniers mois, plusieurs des chefs les plus importants au niveau international ont été arrêtés ou sont morts en cherchant à échapper à leur arrestation. L’argent liquide saisi aux organisations criminelles représente l’équivalent de plus de 345 millions d’euros. Par ailleurs, on a saisi l’équivalent de 46 milliards de doses de drogue.

2. Extension des capacités opérationnelles et technologiques des forces de l’Etat.

Dès l’arrivée au pouvoir de mon gouvernement, nous avons cherché à étendre les capacités techniques et opérationnelles de la police fédérale. Nous avons multiplié le nombre de ses membres et institutionnalisé les examens de contrôle de confiance. Nous disposons aujourd’hui d’une police mieux formée, mieux équipée et mieux rémunérée. En outre, nous avons mis en place la «plate-forme Mexique», grâce à laquelle nous progressons vers le renforcement du Système unique de renseignement criminel, une puissante base de données de renseignement criminelles partagée par les autorités fédérales, étatiques et municipales.

3. Réforme du cadre juridique et institutionnel.

Nous avons lancé un effort sans précédent en vue de moderniser et de redessiner notre cadre juridique. La réforme constitutionnelle du système de justice pénale, qui permettra au Mexique de disposer d’un système de procédures orales, simplifiées et beaucoup plus transparentes, ainsi que d’un régime de protection des droits des victimes, a été adoptée. C’est là un instrument fondamental pour en finir une fois pour toutes avec l’impunité.

4. Une politique active de prévention du délit.

Bien que la composante policière soit indispensable, nous savons qu’il est aussi nécessaire de prendre en charge la composante sociale. C’est pourquoi nous avons aussi fait en sorte de renforcer la confiance citoyenne et de promouvoir la culture de la prévention du délit, de la légalité et de la plainte.

Nous sommes en train de renforcer la sécurité dans les écoles, de reprendre possession des espaces publics qui étaient aux mains des délinquants et d’ouvrir des centres pour la prévention et le traitement des addictions. Dans certains endroits, la composante sociale de la stratégie inclut des politiques actives de promotion de l’emploi, des activités de divertissement et sportives, ainsi que des programmes d’amélioration urbaine et du logement. En matière de santé, plus de 1800 cliniques et hôpitaux ont été construits et rénovés dans le pays. Et, vers 2012, le Mexique parviendra à la couverture maladie universelle, qui offrira à tous les Mexicains un médecin, des médicaments et des traitements.

5. Renforcement de la coopération internationale.

Comme le rapporte l’Organisation des Nations unies, le problème des drogues est un problème qui touche la communauté internationale et qui nécessite par conséquent des stratégies multinationales. L’origine du problème au Mexique, en particulier, découle de notre voisinage avec le principal consommateur mondial de drogues, ainsi que de la facilité avec laquelle les organisations criminelles peuvent acquérir des armes dans ce pays. C’est la raison pour laquelle notre stratégie comprend des mesures de coopération internationale, parmi lesquelles se distingue l’Initiative Mérida, qui marque le début d’une nouvelle étape de coopération avec les Etats-Unis, pays ayant reconnu que la criminalité organisée constitue un problème commun et qu’il est important de lutter de manière coresponsable et conjointe contre le crime organisé transnational.

Nous avons récemment décidé de renforcer et de perfectionner la Stratégie nationale de sécurité en vue de la transformer, au sein de notre système fédéral, en une politique d’Etat susceptible de transcender les périodes de gouvernement et les idéologies partisanes.

A cette fin, au cours des dernières semaines, j’ai établi un dialogue démocratique, pluriel et incluant, à la faveur duquel nous nous sommes réunis avec des organisations de la société civile, patronales et religieuses, avec des experts en la matière, des médias, des forces politiques, les pouvoirs judiciaires aussi bien de la Fédération que des Etats, ainsi qu’avec les gouverneurs, pour entamer un dialogue franc et constructif qui nous permette d’examiner et de consolider une politique d’Etat en matière de sécurité. Ces rencontres ont pour résultat de renforcer l’Etat au moyen de la participation de toutes ses composantes et de l’orienter vers un même objectif: assurer la tranquillité de tous les Mexicains.

Grâce à ces dialogues, nous disposons aujourd’hui d’une vision plus exhaustive du phénomène criminel. Mais, surtout, et c’est peut-être le plus important, une nouvelle attitude commence à se faire jour parmi tous les acteurs impliqués dans cette question. Une attitude de coopération et d’ouverture pour trouver des voies innovantes, une conscience claire de la responsabilité partagée et la certitude qu’ensemble, nous allons vaincre le crime.

Je sais que ce qui se passe au­jourd’hui au Mexique peut donner une impression erronée sur l’ampleur de l’insécurité dans le pays. Néanmoins, ce qui arrive en réalité, c’est que nous mettons de l’ordre là où il n’y en avait pas. De sorte que si vous voyez de la poussière, c’est parce que nous nettoyons la maison.

Felipe Calderón, président du Mexique.

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Source: Site de la présidence du Mexique, www.presidencia.gob.mx