Contenus numériques : « Il faut préserver l’Internet ouvert tel que nous le connaissons »

En tant que représentants de la société civile, des internautes et des entreprises de services du numérique, nous demandons au gouvernement français de préserver l’Internet ouvert tel que nous le connaissons, en empêchant l’instauration d’un filtrage généralisé.

A Bruxelles, un projet de nouvelle directive tendant à réformer la protection du droit d’auteur est discuté. En son sein, une disposition, l’article 13, a pour but d’imposer à tout intermédiaire de l’Internet, dès lors que celui-ci héberge des contenus d’utilisateurs, de détecter et de bloquer systématiquement toute mise en ligne d’un contenu susceptible de faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur.

Au-delà des considérations techniques et de la contradiction évidente avec les principes énoncés par la directive sur le commerce électronique qui ont permis le développement d’un Internet libre et ouvert, une telle disposition ne pourrait avoir que des conséquences sociales et économiques désastreuses. Le développement d’Internet, la créativité, la diversité des contenus que l’on peut y trouver et qui font sa richesse s’en trouveraient gravement menacés.

Il existe un risque important de voir des contenus totalement légitimes censurés à titre préventif par des opérateurs privés utilisant des filtres automatisés par crainte de voir leur responsabilité juridique engagée. Or une technologie n’a aucune notion de ce qui est autorisé ou non, elle ne connaît ni la satire, ni la parodie, ni la création artistique. Aucun garde-fou n’est prévu pour prévenir le surblocage des contenus légitimes et nous pensons que ces mesures ne pourront aboutir qu’à la disparition sur Internet du contenu généré par les utilisateurs ou par des millions de militants.

Barrière

Impossible de détourner une chanson, un film, des images aux fins d’information ou même de parodie. Reprendre un extrait court sera sujet à la même sanction : la suppression du contenu avant mise en ligne. C’est la clé de voûte de notre société, le partage d’informations et l’accès à l’information, qui est en péril.

En outre, il serait faux de penser que ce risque juridique et économique considérable ne pèsera que sur les plus grandes plates-formes. Il constituera une barrière à l’entrée de ce marché pour les PME, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les start-up qui ne seront pas en mesure d’investir massivement en amont pour prévenir la mise en ligne de contenus par leurs utilisateurs.

Quelles start-up seront en mesure d’investir des centaines de milliers d’euros dans de telles bases de données incluant tous les contenus susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur – et ceci sans participation des ayants droit ?

La France rappelle souvent à Bruxelles qu’elle est la patrie de Beaumarchais, l’inventeur du droit d’auteur. Bien avant Beaumarchais, la France est aussi le pays des droits de l’homme et des Lumières. En 1789, nos constituants rappelaient que « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement. » En janvier, le président de la République a rappelé son attachement à un Internet libre, neutre et ouvert. Il est du devoir du gouvernement français de préserver cet espace de liberté et de créativité, contre la mise en place du filtrage généralisé. Le président Macron en a fait la promesse.

Les signataires de la tribune : Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique ; Jean-David Chamboredon, coprésident de France Digitale ; Bertrand Diard, président de TECH IN France ; Henri Isaac, président de Renaissance numérique ; Giuseppe de Martino, président de l’Association des services internet communautaires (ASIC).

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