Copenhague, un échec? Au contraire, le signe d’une volonté commune

Que dire de Copenhague? Qu’ajouter à la cacophonie d’espoirs et de déceptions, de nouvelles et de commentaires exprimés pendant les derniers mois, et surtout les deux semaines de décembre 2009 qu’a duré la quinzième conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies pour le changement climatique (COP) agissant également en tant que réunion des parties au Protocole de Kyoto (CMP)?

Les sceptiques n’auront pas été déçus. Malgré la conclusion d’un accord politique, les deux questions essentielles qu’il s’agissait de régler, à savoir: 1. l’adoption d’obligations spécifiques en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre aussi bien par les pays industrialisés que par certains pays émergents (tels le Brésil, la Chine ou l’Inde); et 2. le financement des mesures d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses conséquences, sont restées ouvertes.

L’accord de Copenhague n’est pourtant pas sans intérêt, dans la mesure où il devrait rendre plus transparents (donc plus difficiles à contourner) les engagements politiques chiffrés des pays industrialisés en matière de réduction des émissions à l’horizon 2020, ainsi que les mesures nationales adoptées par certains pays émergents. Aussi, la manière de vérifier l’impact des mesures de réduction d’émissions dans ces derniers pays se voit-elle assortie d’une composante internationale, peu claire pour ce qui est des mesures purement nationales mais sans ambiguïté pour les mesures nationales soutenues par des contributions financières internationales. Ce lien est très important, car, dans la suite des négociations, il sera très difficile de prétendre à une aide internationale substantielle sans se soumettre à un contrôle international. Par ailleurs, ce lien introduit une division importante dans le front des pays en voie de développement, dissociant les intérêts de la Chine (qui rejette un contrôle international) de ceux de nombreux autres Etats (qui seraient prêts à accepter ce contrôle en échange d’une aide financière). Cela devrait réconforter un tant soit peu celles et ceux qui ne veulent pas perdre espoir.

Ajoutons à cela le fait que les contours d’un accord sur la gouvernance des forêts, question autrefois si polémique et difficile à régler, continuent à se dessiner, dans la forme d’une décision de la COP et de plusieurs références dans l’accord de Copenhague. C’est un élément à ne pas négliger, car la déforestation est actuellement responsable d’environ 20% des émissions annuelles, un chiffre assez proche des émissions américaines ou chinoises.

Mais, au fond, je pense que l’essentiel de Copenhague n’est pas là. N’en déplaise aux internationalistes, dont je fais partie, le changement climatique est un problème bien trop vaste pour qu’un accord international suffise à le régler. C’est plutôt le «processus» dont Copenhague était l’épicentre qui doit retenir notre attention, un peu à la manière d’une plaque tournante autour de laquelle de nombreux éléments, souvent encourageants, sont venus se greffer. En mentionnant ici quelques-uns de ces éléments, je voudrais mettre en relief, pour utiliser une métaphore bien connue, aussi bien les arbres que la forêt.

En ce qui concerne, tout d’abord, les arbres, même les plus sceptiques ne manqueront pas de constater les nombreuses initiatives qui ont été lancées dans le cadre du «processus» de Copenhague. L’idée de base des négociations de Copenhague, ainsi que de celles menées au sein du G8 élargi et des dialogues bilatéraux, était de fixer certains standards en laissant aux Etats le soin de les mettre en œuvre de la manière la plus adaptée à leurs particularités nationales. Et plusieurs Etats n’ont pas attendu Copenhague pour prendre des initiatives, telles que le lancement de mécanismes de «cap-and-trade», des subsides pour la recherche de technologies propres, des mesures diverses d’incitation au changement des processus de production, des taxes environnementales, des mesures pour augmenter la transparence en matière d’impact environnemental des entreprises, et bien d’autres encore.

Ces mesures ont été longuement discutées et présentent un intérêt certain. Mais ce qui me semble nettement plus important est la tendance de fond qu’elles reflètent. Si notre perception cesse de se focaliser sur chacun de ces «arbres» pour tenter de saisir la «forêt» dans son ensemble, la signification du processus de Copenhague apparaît sous un jour nouveau. C’est alors la prise de conscience des populations sur l’ampleur de l’enjeu climatique qui passe au premier plan. Il n’est pas exagéré de dire que, jamais auparavant, la question du changement climatique n’avait été aussi visible et aussi amplement expliquée au public. Ce sont ces mêmes populations qui, en fonction de leur prise de conscience, pourront changer leurs habitudes de consommation et faire pression sur les entreprises et sur les gouvernements pour que ceux-ci prennent des mesures sérieuses.

Le passage vers une économie verte est avant tout une question de volonté, et la volonté a besoin d’élan. Copenhague a été une contribution majeure à cet élan. Ce même homo œconomicus, dont l’avidité a déclenché des problèmes environnementaux, est désormais encouragé à y trouver des solutions, non pas seulement par responsabilité, mais aussi par avidité, pour satisfaire à une nouvelle génération de consommateurs et de citoyens de plus en plus conscients des questions environnementales et, donc, aussi, exigeants. Celles et ceux qui trouveront les solutions aux défis seront aussi les vainqueurs de l’économie de demain. Désormais, que l’homme soit solidaire ou égoïste, la direction à suivre semble de plus en plus la même. Tous les chemins conduisent à Copenhague.

Jorge E. Viñuales