Copenhague va nous inciter à aider davantage les pays pauvres

Depuis quelques années, l’espoir des pays émergents d’Asie et d’Amérique latine de rattraper un jour les pays développés occidentaux se concrétise. Mais en emboîtant le pas aux anciens pays industrialisés, ils accentuent aussi la pression sur les ressources naturelles. Or l’accumulation de dioxyde de carbone atteint ses limites. C’est un constat qui va radicalement modifier le schéma de développement que devront emprunter les pays pauvres du continent africain. Le changement climatique et la mondialisation changent la donne en matière de coopération au développement. Le Sommet de Copenhague revêt ainsi une importance majeure pour le climat, certes, mais aussi pour la politique de développement.

En 1992, 178 Etats se sont engagés, lors de la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement qui s’est tenue à Rio de Janeiro, à respecter un programme d’action en faveur d’un développement respectueux de l’environnement, socialement équitable et économiquement viable. A l’époque, il y avait donc déjà un consensus quant au fait qu’environnement et développement vont de pair.

L’accumulation des émissions conduit la biosphère au bord de la rupture. On s’accorde désormais à dire que rattraper les pays occidentaux et copier leur mode de vie pourrait bien réduire à néant les ressources naturelles de la planète. Il y a donc lieu de redéfinir la notion de «développement». Il ne s’agit plus de rattraper les pays industrialisés sur leur chemin de croissance, d’imiter le développement passé, d’imiter l’Amérique ou la Suisse.

Faut-il donner la priorité à la réduction de la pauvreté dans le monde ou à la lutte contre le réchauffement climatique? Il est clair que cette question n’a pas lieu d’être. Car un développement mondial durable appelle des efforts pour réduire le gaspillage des ressources et limiter les émissions annuelles de CO2 à moins de 2 tonnes par an et par habitant, que ce dernier soit riche ou pauvre, qu’il vive au Nord ou au Sud. Il est désormais également admis que les problèmes de pauvreté vont s’exacerber si l’on ne freine pas le réchauffement climatique.

La majeure partie des excédents de CO2 dans l’air a été produite pendant les deux siècles de croissance industrielle européenne et américaine. La contribution de l’Inde et de la Chine par habitant a été minime, et celle des pays en développement les plus pauvres quasi nulle. Voilà pour les causes. Qu’en est-il des conséquences?

Les données publiées en 2007 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montrent que le réchauffement climatique s’exprime par une augmentation des extrêmes climatiques. Ainsi, neuf des dix catastrophes naturelles les plus graves des dernières années (en termes de victimes) étaient dues au climat. Elles ont principalement touché les pays en déve­loppement et les pays émergents. Et le malheur veut que les régions concernées par ces catastrophes climatiques soient celles où la précarité est déjà grande.

Les risques majeurs concernent l’Afrique subsaharienne où toute variation des précipitations entraîne rapidement une pénurie, laquelle provoque à son tour une lutte pour la survie et une augmentation des migrations. En Asie, l’absence de mousson risquerait de se traduire par un effondrement de la production de riz. Et dans de nombreuses régions du monde, le manque d’eau et de terres constructibles sont autant de sources potentielles de conflits.

Le changement climatique a un impact disproportionné sur les pays en développement, où règnent déjà des conditions difficiles en termes de climat, de sols ou de ressources en eau, alors que chez nous, les effets ne sont encore que peu marqués.

La coopération au développement et l’aide humanitaire offrent un soutien aux pays et aux populations pauvres dans leurs efforts pour s’adapter au réchauffement climatique. Nous qui sommes à l’origine du mal, nous devrions considérer ce soutien comme allant de soi, comme une compensation.

Mais il ne s’agit pas seulement de limiter la casse. L’objectif de développement durable mondial ne peut être atteint que si pays pauvres et pays riches prennent ensemble le chemin de la réduction des émissions de CO2. Les solutions techniques ne manquent pas, certaines sont déjà appliquées. La Chine sera bientôt le leader mondial de la production d’énergie issue du solaire thermique et, l’an dernier, elle a construit plus de parcs éoliens que tous les autres pays. Ces deux technologies ne couvrent toutefois que moins de 1% de la consommation énergétique chinoise. Quant à l’Inde, elle est également devenue l’un des poids lourds de la production d’énergie éolienne.

Miser sur une croissance basée sur les énergies fossiles pour assurer sa prospérité n’est plus viable. La politique de développement doit accorder une place plus importante à la formation, à l’innovation, aux partenariats technologiques et au partage des connaissances. Il faut continuer à investir davantage dans la démocratie, afin que les citoyens de tous les pays, y compris ceux du Sud, puissent prendre leur destin en main.

Protection du climat et lutte contre la pauvreté sont indissociables. Le Sommet sur le climat à Copenhague doit poser les jalons pour que le réchauffement de la planète ne dépasse pas le seuil critique de 2 degrés Celsius en moyenne. Il s’agit principalement de réduire les émissions de CO2 dans les pays industrialisés et les pays émergents et – en même temps – de ne pas laisser accroître celles des pays pauvres. Les pays industrialisés comme les pays en développement doivent rapidement pouvoir opter pour un développement pauvre en CO2 afin de ne pas dépasser, d’ici à 2050, un niveau mondial d’émissions de gaz à effet de serre de 2 à 4 tonnes par habitant et, à long terme, de les stabiliser à moins de 2 tonnes par habitant. Différentes instances internationales estiment qu’il faudra investir chaque année plusieurs centaines de milliards de dollars pour aider les pays en développement à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter au réchauffement inéluctable du climat. Ce sont des montants considérables, qu’il faut cependant mettre en regard avec le coût de l’inaction, si nous restons les bras croisés.

Martin Dahinden, chef de la Direction du développement et de la coopération du DFAE.