De nouvelles règles budgétaires européennes sont nécessaires

Les politiques d’austérité mises en œuvre en Europe depuis 2010 ont contribué à la faiblesse de la reprise économique. Alors que la Commission présente au Parlement européen cette semaine son projet de « reporting pays par pays », il est temps de constater que les règles budgétaires de l’Union européenne ne permettent ni de mettre en place des politiques de relance lorsque celles-ci sont nécessaires, ni d’assurer la viabilité de la dette publique à long terme.

En théorie, les règles actuelles devraient pourtant promouvoir ces deux objectifs. Un indicateur-clé sur lequel elles reposent est le déficit budgétaire structurel. Celui-ci correspond au déficit du gouvernement, corrigé des évolutions du cycle économique et des dépenses exceptionnelles, telles que celles liées au sauvetage des banques pendant la crise financière.

L’usage de cet indicateur permet de distinguer les situations dans lesquelles les dépenses de l’État sont structurellement supérieures à ses recettes, des périodes de récession durant lesquelles le déficit se détériore en raison de la baisse des recettes fiscales et de la hausse des dépenses liées au chômage.

Dans le premier cas, le déficit structurel est élevé, les règles imposent aux Etats membres d’ajuster leurs budgets.

Dans le second cas, le déficit structurel reste inchangé, les règles devraient en principe laisser les « stabilisateurs automatiques » opérer et les gouvernements ne devraient pas avoir à adopter de mesures d’austérité.

Des prévisions erronées

Néanmoins, en pratique, le déficit budgétaire structurel est difficile à mesurer. Son estimation repose sur des évaluations incertaines du cycle économique et de son impact sur les revenus et les dépenses de l’Etat. Il nous paraît inconcevable que des recommandations de politiques budgétaires s’appuient sur un indicateur aussi peu fiable.

Il n’est pas surprenant que les ministres des finances de huit pays de la zone euro aient récemment exprimé des doutes sur les méthodes de l’Union pour estimer la position de l’économie dans le cycle et ses implications pour l’analyse des budgets par la Commission.

Les prévisions de croissance et d’inflation de la Commission sont une autre source majeure d’erreurs. Les règles budgétaires reposent sur ces prévisions… qui se sont révélées fausses ces dernières années. En conséquence, les recommandations de politiques budgétaires étaient largement erronées et ont finalement rendu pire la situation économique en Europe. Faire des prévisions est difficile, particulièrement lors des périodes d’incertitude, c’est pourquoi il serait pertinent d’avoir une règle budgétaire moins dépendante de ces prévisions.

Un autre problème-clé du cadre budgétaire actuel est la multiplicité et l’opacité des clauses de flexibilité. Celles-ci conduisent à des négociations interminables entre les Etats membres et la Commission. Les dirigeants des pays ne respectant pas les règles, car ils les considèrent comme totalement inappropriées et finissent par les enfreindre ouvertement. Les dirigeants des autres pays craignent au contraire que les règles ne soient pas imposées à leurs partenaires avec assez de force et que la crédibilité du système disparaisse.

Dans ces conditions, préserver le cadre budgétaire actuel serait néfaste. De nouvelles règles sont nécessaires. La meilleure option serait de repartir de zéro, mais une réforme de cette ampleur semble aujourd’hui irréaliste. Une option plus facile à mettre en œuvre serait d’abandonner toutes les règles reposant sur la notion de déficit structurel et de les remplacer par une nouvelle (et unique) règle limitant la croissance des dépenses publiques, en excluant les dépenses de l’assurance-chômage et les dépenses exceptionnelles.

La croissance et la dette

Selon cette règle, la croissance annuelle des dépenses publiques ne pourrait dépasser la somme de la croissance potentielle du PIB du pays et de l’inflation cible de la Banque centrale (2 % par an). Lors des périodes difficiles, même si les recettes fiscales baissent et que les dépenses liées au chômage augmentent, les gouvernements n’auraient pas à réduire leurs dépenses. Lors des périodes de croissance, notre règle atténuerait les booms excessifs comme ceux qui ont eu lieu en Irlande et en Espagne avant la crise, car les gouvernements ne pourraient pas dépenser les recettes fiscales supplémentaires engendrées par les bulles.

Cette limitation des dépenses prendrait aussi compte du niveau de dette publique. Les pays ayant une dette élevée auraient une croissance des dépenses plus faible que ceux ayant une dette faible, afin de soutenir la viabilité des finances publiques à long terme.

Nous proposons aussi d’abandonner les clauses de flexibilité actuelles. A la place, la règle serait contrôlée conjointement par les conseils budgétaires nationaux et par un conseil budgétaire européen indépendant nouvellement créé. Ce conseil serait composé d’un directoire représentant les intérêts de l’Union et des présidents des conseils budgétaires nationaux. Aucune règle ne pouvant prévoir toutes les éventualités, ce conseil budgétaire européen déciderait lorsque les pays peuvent déroger à la règle.

Ce cadre budgétaire serait plus simple, plus transparent et plus facile à contrôler que le système actuel, et il ne reposerait plus sur un indicateur imprévisible et sur des prévisions erronées.

Les menaces de sanction devraient aussi être abandonnées. Ces dernières ne sont déjà pas crédibles dans le cadre actuel, et pourraient avoir des conséquences politiques désastreuses si elles étaient appliquées.

Au final, les pays ne devraient pas se conformer aux règles par peur des sanctions – et d’ailleurs ils ne le font pas –, mais parce qu’ils considèrent que la règle représente le meilleur guide pour que leurs politiques budgétaires soient à la fois viables et favorables à la croissance.

Grégory Claeys (Membre du think tank européen Bruegel) et Zsolt Darvas (Membre du think tank européen Bruegel), Ils sont les auteurs de « Une proposition pour relancer le cadre budgétaire européen ».

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *