Des mesures fortes pour lutter contre la pédophilie dans l’Eglise

Au terme d’une campagne médiatique, l’opinion publique, déjà méfiante à l’égard de l’Eglise catholique romaine, s’enferre dans une double conclusion erronée: la plupart des prêtres seraient des pédophiles en puissance et la plupart des pédophiles se retrouveraient dans le clergé, car le célibat ecclésiastique causerait la pédophilie. Rien n’est plus faux. La majorité des prêtres assument leur célibat obligé sans tomber dans la perversion. La plupart des actes de pédophilie se perpètrent dans les familles, qui observent un secret bien plus hermétique que cette Eglise. C’est un faux procès suggérant des mesures inefficaces, comme celle de créer au Vatican une liste noire des prêtres délinquants avérés. Cela n’a pas de sens car un prêtre pédophile doit être exclu du clergé.

Il y aura toujours des prêtres pédophiles, mais il y en aura pas moins qu’un sur cent, comme dans toute profession en contact avec des enfants: médecins, entraîneurs sportifs, enseignants, psychologues. Il y a aussi des notaires escrocs et des avocats marron, des magistrats prévaricateurs et des politiciens corrompus. La nature humaine est ainsi faite que les charges, qui nécessiteraient une intégrité rigoureuse, sont exceptionnellement assumées par des individus indignes. En la matière, une prévention absolue est irréaliste. C’est pour cela qu’existent un Code pénal, une police et des tribunaux.

Et c’est là qu’apparaît le vrai débat. Les fautes individuelles commises par des prêtres indignes ne deviennent celles de l’institution que dans la mesure où celle-ci les dissimule à la justice civile. Il y a pire encore, lorsqu’un prêtre coupable est simplement déplacé, continue à exercer un sacerdoce dont il n’est pas capable et répète ses crimes.

L’évêque adoptant cette attitude est coupable d’une complicité, qui est d’une certaine façon plus grave que le crime lui-même. Un pédophile est d’abord un malade mental à soigner et à mettre hors d’état de nuire. Le haut responsable qui ne le fait pas compromet l’institution tout entière.

Le vrai débat se situe donc dans le fonctionnement hiérarchique de l’Eglise catholique romaine. La lettre de Benoît XVI à l’Eglise d’Irlande déplore, s’excuse, propose des actes de pénitence, mais elle n’énonce pas les mesures concrètes sur lesquelles il faut maintenant que l’accord se fasse. Il y en a quatre: un prêtre pédophile est dénoncé à la justice civile; celle-ci établit les faits et les sanctionne; l’évêque réduit ce prêtre à l’état laïc et l’exclut du clergé; l’évêque qui n’a pas suivi cette procédure démissionne de sa fonction. Il n’y a pas de prescription pour ces mesures internes à l’Eglise.

Ce n’est pas cela qui s’est passé ou qui risque de se passer. Si cette procédure rigoureuse n’est pas mise en place, on retombera dans la même ornière. C’est ce qui arrive depuis des années. Chaque scandale agite le landerneau quelque temps sans enseigner les mesures à prendre. Il se trouve toujours un évêque pour laver en famille le linge sale. Cette complicité semble irrésistible.

On atteint ici le niveau du débat de fond. Le célibat ecclésiastique est-il la cause de la pédophilie? Rien ne permet de l’affirmer ou de l’infirmer. Personne n’en sait rien. Cependant, l’opinion publique en est de plus en plus persuadée. Non pas à cause des fautes individuelles, ni même des dissimulations épiscopales. Ce qui est en cause, c’est l’attitude générale de l’Eglise catholique romaine de rite latin envers la sexualité. Elle est la seule confession à exiger le célibat de ses ministres du culte. Ce n’est le cas ni des Eglises catholiques de rite oriental, ni des Eglises réformées et orthodoxes, ni du judaïsme ou de l’islam. Cette singularité, explicable par des raisons historiques, ne rend pas l’Eglise latine plus édifiante ou crédible, bien au contraire. Le curé concubinaire est systématiquement exclu de sa charge, le prêtre pédophile ne l’a pas été, comme si la relation avec une femme était le crime le plus grave des deux.

Si l’Eglise catholique romaine ordonnait des hommes mariés ainsi que des femmes, le vrai débat serait tranché et le faux procès ne serait plus instruit. Il y aurait encore des cas d’abus sexuels d’enfants, peut-être moins, mais ils seraient systématiquement dénoncés, du seul fait de la présence de femmes à des postes de décision. Et les coupables seraient exclus du clergé.

La sexualité du genre humain fait partie de la nature. La nier, s’en abstraire ou la stigmatiser fait courir les plus grands périls. Celui ou celle qui mange trop ou trop peu devient malade de boulimie ou d’anorexie dans une symétrie parfaite. De même, la sexualité peut et doit être exercée dans le respect de soi-même et des autres. L’érotisation effrénée de la société actuelle est aussi dangereuse qu’une continence contrainte. Il est remarquable que ces deux attitudes antinomiques se rejoignent dans la même perversion. L’Eglise catholique doit cesser de présenter la continence comme un idéal de vie. Cela n’a rien à voir avec les fondements du christianisme.

Jacques Neirynck, conseiller national, PDC/VD.