Des olympiades à boycotter

C’est pour les Jeux olympiques de Berlin, en 1936, que le premier boycottage des Jeux eut lieu. Après l’instauration du régime nazi avec son racisme, sa xénophobie et son antisémitisme institutionnel, plusieurs pays demandèrent ce boycottage et organisèrent des jeux de substitution à Barcelone. Quarante-neuf pays et près de 4000 athlètes participèrent aux Jeux de Berlin ; 6000 athlètes de 22 pays s’inscrivirent à ceux de Barcelone, hélas interrompus par le pronunciamiento de Franco le 18 juillet 1936.

Le second boycottage fut celui des Jeux de Montréal en 1976, par 22 nations africaines, protestant contre la présence de la Nouvelle-Zélande, à laquelle ils reprochaient d’avoir envoyé son équipe de rugby à une tournée en Afrique du Sud, pays exclu des Jeux olympiques depuis 1962 à cause de sa politique d’apartheid.

Le troisième boycottage fut celui des Jeux de Moscou, en 1980, par une cinquantaine de nations (dont les États-Unis, la France, l’Angleterre et le Canada) en protestation contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Le boycottage des Jeux olympiques de Los Angeles de 1984, sous de ridicules prétextes, fut en fait la réponse politique de l’Union soviétique et de certainsde ses pays satellites au boycottage des Jeux olympiques de 1980.

Ce qui précède illustre amplement que les Jeux olympiques sont tout aussi politiques que sportifs. Si j’étais méchant, je dirais aussi qu’ils sont chimiques, le vainqueur d’une épreuve étant celui qui est dopé avec une substance que l’on n’est pas encore capable de détecter…

Il y a près d’un an, le lundi 23 mars 2020, Radio-Canada annonçait que le Canada était le premier pays à boycotter les Jeux de Tokyo de 2020, en raison des risques liés à la COVID-19 et, le lendemain, le premier ministre japonais demandait leur report en 2021, ce que le Comité international olympique entérinait aussitôt.

Très récemment, une coalition de 180 groupes de défense des droits de la personne a réclamé le boycottage des Jeux olympiques d’hiver de Beijing en 2022 et, tout aussi rapidement, le Comité olympique canadien a annoncé qu’il avait bel et bien l’intention d’envoyer ses athlètes à ces Jeux. On veut bien boycotter les Jeux parce que l’on a peur pour sa petite santé; par contre, les droits de la personne…

Il est clair qu’une médaille, ne serait-elle que de bronze, est bien plus importante que d’interdire aux Ouïghours d’aller à la mosquée, de se rendre en pèlerinage à La Mecque, de se laisser pousser la barbe, d’avoir un Coran chez eux, et d’enlever des enfants à leurs parents pour les mettre dans des orphelinats où on les éduque selon les normes et les bonnes traditions du Parti communiste chinois.

Il est clair qu’une médaille olympique vaut bien plus que le million de Ouïghours détenus au Xinjiang dans des camps dits de rééducation politique, lieux de sanctions, de torture, de privation de nourriture, de travail forcé, esclavage des temps modernes…

Il est clair qu’un podium, ne serait-il que le troisième, est bien plus important que la stérilisation forcée des femmes ouïghoures par le gouvernement chinois. Pour ne pas parler de Hong Kong, du Tibet, etc.

François Gros d’Aillon, Professeur honoraire de l’UQAM.

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