Des ONG israéliennes pour les droits humains menacées par le gouvernement Netanyahu

«Les réfugiés, l'affaiblissement des pays arabes, Daesh et la menace de guerre entre Sunnites et Chiites occupent le monde – et pendant ce temps la politique israélienne, profitant de ne plus être en ligne de mire, prend de plus en plus d'initiatives qui vont à l'encontre des droits humains. Pour faire écho à cette sinistre ambiance, quelques jeunes colons radicalisés qui n'ont rien à envier à l'état d'esprit des djihadistes, ont poignardé sauvagement, lors d'un mariage, la photo du petit Ali Dawabsheh, le bébé brûlé par des terroristes israéliens.

Les récentes déclarations et les initiatives prises à l’encontre des ONG qui luttent pour les droits humains en Israël et dans les territoires palestiniens illustrent ce climat politique délétère. Le président Reuven Rivlin, lui-même, n’a pas été épargné par les représentants des mouvements d’extrême droite qui lui ont reproché sa participation à la conférence organisée par le journal Haaretz le 13 décembre à New York, conférence à laquelle était aussi invité un représentant de l’organisation «Breaking the silence». Certains lui demandent de démissionner, d’autres le traitent même de «Führer».

Un prix moral

Aujourd’hui, «Breaking the silence» focalise sur elle les attaques les plus violentes. Créée il y a une dizaine d’années par des vétérans revenus de leur service militaire dans les territoires occupés, cette ONG veut faire prendre conscience au public israélien de la réalité de l’occupation et du prix moral payé par de jeunes soldats pour maintenir le contrôle d’une population civile. «Breaking the silence», comme la plupart des ONG luttant pour les droits de l’homme, reçoit des fonds de gouvernements étrangers et d’institutions internationales. La source de leur financement n’est pas secrète et est publiée sur leur site. Ce qui n’est pas le cas des associations d’extrême droite qui reçoivent beaucoup plus d’argent de particuliers, essentiellement de milliardaires juifs américains, ou de mouvements fondamentalistes chrétiens qui soutiennent la colonisation.

Nouveau pas franchi

Ces jours-ci, un nouveau pas a été franchi dans les attaques contre «Breaking the silence» et contre trois autres ONG qui luttent elles aussi contre l’occupation (Betselem, le comité public contre la torture et Hamoked, le centre pour la défense de l’individu). Naphtali  Bennet, le ministre de l’éducation, a interdit aux représentants de «Breaking the silence» d’entrer dans les lycées ou les universités pour participer à  des débats, comme ils pouvaient le faire jusqu’à présent. Quant à Moshé Ya’alon, le ministre de la défense, il leur a interdit d’entrer dans des bases de l’armée. Enfin Ayelet Shaked, la ministre de la justice, prépare une loi qui vient d'être approuvée par le Conseil des Ministres obligeant toutes les ONG qui perçoivent des fonds des gouvernements étrangers à le mentionner sur leurs documents officiels. Leurs représentants seront obligés de porter, en outre, un badge à la Knesset avec cette indication.

Par son attitude, l'exécutif encourage la nouvelle offensive des mouvements d’extrême droite sur les réseaux sociaux qui, en identifiant nommément les responsables de ces ONG comme des traîtres infiltrés au sein de la société israélienne, les désignent de fait comme des cibles pour les extrémistes.

«Une partie de notre force»

Cependant, des voix s'élèvent en Israël en réaction à ces attaques contre «Breaking the silence», comme celles de Tsipi Livni, ancienne Ministre de la Justice et des Affaires Étrangères et actuellement Présidente du parti Hatnuah (centre gauche), de Isaac Herzog (Chef du Parti Travailliste), de Yuval Diskin, l’ancien chef du Shin Beth. «On peut, dit Yuval Diskin, ne pas les aimer, mais ils sont une partie très importante de notre démocratie et de notre force.»

Alors que l'on vient de commémorer le vingtième anniversaire de l'assassinat de Yitzhak Rabin, n’oublions pas que lui aussi avait été désigné comme un traître qu’il fallait supprimer. Le climat politique actuel commence sérieusement à ressembler à celui qui prévalait avant le 4 novembre 1995. Ne laissons pas l'histoire se répéter.

Massia Kaneman, présidente JCall Suisse, une ONG qui milite pour la paix en Israël, et Leo Kaneman, président d'honneur du Festival International du Film et Forum sur les Droits Humains.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *