Désendetter toute la zone euro et sauver les Grecs

Tous les économistes sérieux pensent, avec le Fonds monétaire international (FMI), que s’il a été judicieux d’éviter une sortie, même temporaire, de la Grèce de la zone euro – qui aurait pu entraîner des répliques dans tout le système, et finalement un éclatement de la zone – l’endettement grec reste insoutenable. Mais les gouvernements des pays du nord, notamment l’Allemagne, s’opposent à toute amputation de la dette grecque, estimant à juste titre que ce serait la porte ouverte à des demandes similaires d’une cohorte d’autres pays trop endettés.

Il est vrai que le ratio dette/PIB – au sens du traité de Maastricht – de la Belgique (104,5 % fin 2013), de Chypre (102 %), de l’Espagne (92 %), de la France (92 %), de l’Irlande (123 %), de l’Italie (128 %), du Portugal (128 %) ou de l’Espagne (116 %) sont eux aussi très lourds. De tels taux de dette, devenus évidemment plus élevés à la mi-2015, retirent chaque année de 1 % à 3 % de PIB nominal à la croissance de ces pays.

200 milliards pour l’Allemagne et la France

Même l’Allemagne, la Finlande ou les Pays-Bas, donneurs de leçons de vertu budgétaire, ont des ratios de dettes bien supérieurs aux 60 % du traité, et le service de cette dette entrave aussi leurs politiques économiques. Songeons simplement à l’état de nombre d’équipement publics en Allemagne.

Tous recherchent aujourd’hui des moyens budgétaires de relance, ne serait-ce que pour alimenter la promesse de 350 milliards d’euros d’investissements européens du plan Junker, promesse qui ne pourra être tenue sans abondement du secteur privé (peu probable) et des budgets nationaux.

Pourquoi les membres de l’Eurogroupe ne décideraient-ils pas que tous les pays de la zone amputent leurs seules dettes réciproques d’un même pourcentage : 20 % par exemple. Bien entendu, ils confirmeraient ainsi implicitement leurs dettes vis-à-vis de tous les autres pays, y compris ceux de l’Union européenne.

Dans le cas de la France et de l’Allemagne, dont les dettes, en gros 2 000 milliards, sont détenues à un peu plus de 50 % par d’autres pays de la zone euro, une telle amputation représenterait 200 milliards pour chacun des deux pays. Une « manne » particulièrement bienvenue d’environ 5 milliards par an correspondant au service de cette dette serait ainsi disponible. Et comme l’amputation serait générale, la crainte d’une « contagion » évoquée plus haut deviendrait sans objet. On peut même imaginer que pour de petits pays très endettés, dont évidemment la Grèce, le pourcentage d’amputation soit plus élevé, voire proportionnel à la dette : 30 %, 40 %...
Étaler la provision sur vingt ans

L’objection que l’on peut immédiatement soulever est : qui paiera ?

Cette part de dette de la zone euro est détenue par des banques nationales et étrangères, des institutions européennes ou des Etats de la zone. Pour « lisser » l’impact, la Banque centrale européenne, gardienne des mesures prudentielles, pourrait exceptionnellement décider d’autoriser toutes les banques de la zone et les institutions européennes à étaler la provision pour créances perdues sur vingt ans. Les Etats créanciers, privés du service de leur part de dettes, se verraient autorisés à dépasser de ce montant la limite de 3 % de leurs déficits des administrations publiques.

Cette mesure, évidemment exceptionnelle, qui ne nécessiterait pas la signature d’un nouveau traité, pourrait fort judicieusement précéder ou introduire, comme on voudra, un nouveau pas en avant de l’intégration économique des membres de la zone euro, souhaité aujourd’hui par tous les Européens convaincus. Et la mesure serait évidemment une voie élégante de rendre plus soutenable la dette grecque.

Jean Matouk, economiste.

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