Donald Trump, au mépris d’un droit naturel élémentaire

Manifestation contre la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat. Chicago, 2 juin 2017. © Scott Olson/Getty Images/AFP
Manifestation contre la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat. Chicago, 2 juin 2017. © Scott Olson/Getty Images/AFP

Le retrait de l’Accord de Paris relève-t-il de l’exercice légitime de la souveraineté par le locataire de la Maison-Blanche? Ou est-ce l’acte d’un dangereux démagogue qui refuse d’inscrire son pays dans l’ordre du monde, tel qu’il peut être pensé dans les termes d’un droit naturel auquel l’Etat le plus puissant ne peut prétendre déroger?

On définit le droit naturel comme un régime et de droits et d’obligations que l’on peut inférer par l’examen d’un certain ordre de la nature et de la nature humaine. Cette conception a varié plusieurs fois, mais on parle des droits naturels de l’homme, dont le droit à la vie et à un environnement sain qui supposent un ordre des choses favorisant l’épanouissement des êtres humains.

C’est au nom d’un concept de droit naturel, à savoir le concept de «crime contre l’humanité» désignant des actes niant l’humanité de certaines catégories d’êtres humains, que le tribunal de Nuremberg a condamné les bourreaux nazis. Il fallait impérativement se référer à un concept juridique dit naturel, car les criminels nazis n’avaient pas violé les lois en vigueur définies par Hitler, détenteur de l’autorité dans l’Allemagne nazie pour prononcer les lois régissant les territoires conquis. Autrement dit, les Alliés – inclus les Américains – ont reconnu en 1945 qu’il ne suffisait pas à un pouvoir politique de se donner des lois selon les procédures reconnues par ce pouvoir pour que ces lois soient valables. Il convenait encore qu’elles répondent à des critères minimaux du droit naturel, auquel est attachée une certaine idée d’harmonie entre les êtres humains.

Lois de la nature

Pour revenir à l’Accord de Paris, certains gaz émis par les activités humaines menacent l’équilibre thermique de l’atmosphère et des océans. En un mot, le dérèglement climatique constitue une menace sans précédent sur l’ordre de la nature, et par voie de conséquence sur la sécurité internationale, un fait largement reconnu, notamment par le général de l’OTAN Denis Mercier.

Cette menace n’existe tout simplement pas dans le discours de Donald Trump annonçant le retrait de l’Accord de Paris. Donald Trump ramène la question climatique aux avantages économiques que la Chine et l’Inde ont obtenus en pouvant augmenter leurs émissions pendant quelque temps encore. La question climatique est réduite à une question d’emplois à garder, d’industries à préserver, d’injustice économique envers l’Amérique.

Si Donald Trump avait compris la question climatique, il aurait pu demander à la Chine, à l’Inde et à d’autres de faire des efforts plus importants au motif que les émissions de pays en développement menacent aussi la sécurité mondiale. S’il avait compris la question climatique, il aurait rappelé qu’il est nécessaire de scruter la nature avec des méthodes scientifiques pour essayer de comprendre ce qu’elle nous dit sur l’inadéquation du comportement des êtres humains et sur ce qu’ils doivent changer. En un mot, il y a des lois de la nature à respecter et à traduire dans les lois humaines pour assurer la pérennité de la communauté internationale.

Tribunal de Nuremberg

Mais pour ce démagogue, il n’y a que la souveraineté des Etats-Unis sur leurs ressources minières, et les emplois et bénéfices faciles qui comptent. Si l’abus de cette souveraineté se fait au mépris de la disparition de nombreux pays, d’un effondrement biologique massif, de pandémies nouvelles, de l’appauvrissement de centaines de millions de personnes, de migrations ingérables, de l’exacerbation de conflits, de millions de morts, du succès des mafias contre l’Etat de droit, cela ne viole aucune norme supérieure de droit naturel.

Cette incompréhension de la question climatique est à combattre avec la dernière énergie car les accords climatiques de 1992 et 2015 sont clairs. 1° Les montants de gaz émis doivent être compensés par des retraits de gaz à effet de serre, pour des montants équivalents, via des puits les absorbant durablement (il faut maintenir une balance écologique équivalente à celle qui a prévalu pendant l’Holocène). 2° Il convient de ne pas trop s’éloigner de la concentration de gaz qui prévalait à l’époque préindustrielle, avant que les humains ne perturbent fortement l’ordre naturel. En un mot, tout indique que ces deux textes préfigurent un renouvellement de la tradition du droit naturel. On rappellera que selon cette tradition, déterminante pour la crédibilité du tribunal de Nuremberg, les hommes naissent libres et égaux en droit. Par conséquent, les Américains, et pas seulement eux, n’ont pas davantage le droit que les autres habitants de la planète de dérégler le climat. Mépriser ce principe par un retrait de l’Accord de Paris est extrêmement grave. Mais qui a compris l’affront?

Frédéric-Paul Piguet, Institut Biosphère.  Auteur de «Justice climatique et principe d’interdiction de nuire: l’apport décisif de l’interactionnisme épistémologique», in Interactionnisme et norme: approche transdisciplinaire, Editions de l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne (IRJS), 2016.

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