Doutes et préjugés sur la vaccination

L’une des leçons que l’on peut déjà tirer de la COVID-19 est que, malgré les appels répétés des autorités au respect des mesures sanitaires, les citoyens hésitent à s’y conformer complètement. Cela est d’autant plus inexplicable que la contravention aux règles peut entraîner des conséquences sérieuses, voire fatales, pour soi et ses proches.

La pandémie actuelle a ceci de particulier : le respect des directives par une grande majorité se voit effacé, ou sinon considérablement hypothéqué, par la délinquance et la négligence d’une minorité. Aucune région ne semble d’ailleurs y échapper, la durée de cette crise s’imposant comme facteur aggravant.

Ce constat à l’évidence banal est cependant plus complexe si on s’y attarde davantage. Admettons que chaque personne a sa propre interprétation ou perception d’un risque associé à la contravention d’une règle, par-delà sa responsabilité à l’assumer ou non.

Comme pour notre décision de nous conformer aux règles sanitaires, nous serons prochainement amenés à nous prononcer sur la vaccination. Allons-nous accepter de nous faire vacciner ou prendrons-nous plutôt le risque de ne pas le faire ? Que déciderons-nous ? Risquer de ne pas être vacciné pour divers motifs ou croyances personnelles ou se faire vacciner en assumant le risque d’effets secondaires, s’il y en a.

Deux penchants

L’analyse des comportements par rapport à la vaccination ne date pas d’hier. En 1990, des chercheurs notaient deux penchants ou préjugés chez les sujets observés. Le premier est une tendance à s’abstenir d’être vacciné quand on connaît l’existence d’un risque potentiel. Le second penchant est celui de ne pas se faire vacciner ou encore de reporter la vaccination faute de preuve d’efficacité du vaccin.

Cette analyse sans doute contestable illustre néanmoins le fait qu’une personne devant prendre la décision de se faire vacciner sera aussi amenée à s’interroger sur sa propre responsabilité. Serai-je responsable d’une décision que j’aurai prise ou que je n’aurai pas prise, c’est-à-dire de ne pas me faire vacciner, que cela soit par prudence ou à cause de l’absence de preuve d’efficacité ? Est-ce que la gravité et la magnitude de la COVID-19 auront un impact ?

Que conclure de tout cela, sinon qu’on ne doit pas tenir pour acquis que les recommandations pour la vaccination seront pleinement respectées ? À preuve, on répertorie actuellement au Québec 28 vaccins disponibles, lesquels permettent d’éviter 21 maladies graves. Mais qu’en est-il de la réalité ou, plus techniquement, de la couverture vaccinale, soit la proportion des personnes vaccinées ? Il est intéressant de noter qu’en 2017-2018, pour un vaccin aussi banal que celui contre l’influenza, seulement 32 % des personnes de 18 à 74 ans ont été vaccinées, soit bien en dessous de l’objectif de 80 % fixé par le programme national de santé publique. On relève des niveaux plus élevés, mais pas nécessairement optimaux, chez les personnes de 75 ans et plus, soit 65 %.

La crise de la COVID-19 est bien évidemment une situation jamais vue auparavant et peu comparable avec le virus de l’influenza, de la rougeole, du zona ou de la pneumonie. C’est un monstrueux virus qui continuera certainement à faire des ravages. Il se peut bien qu’on se jette massivement sur la vaccination, mais rien ne garantit une observance optimale, à cause des abstentionnistes ou des négationnistes. Une vaccination obligatoire serait peut-être une solution, mais il revient également à nos gouvernements de tenir compte des préjugés sur la vaccination dans leur stratégie de communication et d’incitation.

Alain Lemieux, avocat et ancien chargé de cours en droit à l’Université Laval.

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