e système de nomination du président de la Commission a montré ses limites

Il n’aura duré qu’un cycle électoral. Inventé pour démocratiser davantage l’Union européenne, le processus de propositions partisanes pour la présidence de la Commission a montré ses limites ces dernières semaines. Même si le Parti populaire européen (PPE) arrive en tête avec environ 179 des 751 sièges du Parlement européen, il est peu probable que leur spitzenkandidat (« tête de liste ») Manfred Weber se voie confier ce poste prestigieux par le Conseil européen. Une occasion pour remettre la représentation partisane européenne sur de meilleures voies.

Depuis le traité de Lisbonne [signé en 2007], le Conseil européen « doit tenir compte des élections au Parlement européen » lorsqu’il désigne le président de la Commission européenne. Poussé par les eurodéputés lors des dernières élections, ce lien passe par un système connu en Allemagne pour la désignation du chancelier : chaque parti choisit un chef de file, chargé de représenter son programme politique au niveau européen. En même temps, cela signale aux Etats membres la préférence du groupe majoritaire pour la présidence de la commission. Ainsi, Jean-Claude Juncker, spitzenkandidat du PPE en 2014, a obtenu la nomination du Conseil européen à la suite de la victoire de la droite – elle avait obtenu 221 sièges au Parlement.

Auparavant, la nomination du président de la Commission européenne se faisait par les chefs d’Etats à huis clos, habituellement en désignant une personnalité issue du parti majoritaire du Conseil européen. La plupart ont été membres d’un gouvernement dans leur pays, souvent même chef de gouvernement. Dès le début, les dirigeants de l’Union européenne (UE) ont regretté le passage à un système qui limite leurs prorogatives et qui empêche de facto la nomination d’un membre de gouvernement en exercice. Ancien premier ministre du Luxembourg et chrétien-démocrate, Jean-Claude Juncker correspondait toutefois formellement aux critères que respectait traditionnellement le Conseil européen.

L’émergence des Verts et des libéraux

Ce n’est pas le cas de Manfred Weber. Membre de l’Union chrétienne-sociale de Bavière et député européen depuis 2004, il est sans expérience gouvernementale. Malgré une élection comme spitzenkandidat du PPE avec 79,2 % des voix contre Alexander Stubb, ancien premier ministre de Finlande, il souffre d’une réputation plus conservatrice qu’un bon nombre de partis du centre droit. Sous pression de l’opinion publique, il a notamment dû clarifier sa position vis-à-vis du Fidesz hongrois : en dépit de multiples dérives antidémocratiques, Manfred Weber a attendu jusqu’à début mai pour prendre ses distances avec Viktor Orban et son parti.

A l’aune des résultats, on peut constater que la fragmentation du paysage partisan rend une correspondance entre partis européens et gouvernements représentés au Conseil encore plus difficile. L’enjeu n’est plus simplement la gauche ou la droite, où les partis le plus importants – PPE et Parti socialiste européen (PSE) – perdent une quarantaine de sièges respectivement et la majorité qu’ils assuraient conjointement. Avec les sièges de la liste La République en marche (LRM) se confirme l’importance de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE), qui dépasse les conservateurs et réformistes européens et devient la troisième force du Parlement, avec 107 sièges projetés. Les Verts, l’autre grand gagnant des élections, deviendront la quatrième force, qui pèsera dans les coalitions et les débats. Un futur président de la Commission doit en réalité avoir le soutien de ce bloc, puisque le Parlement doit approuver la composition de la Commission par une majorité simple de 376 voix.

Indépendamment des calculs électoraux et des jeux de pouvoir, on peut se demander si le système de spitzenkandidaten améliore véritablement la représentation des citoyens. Pour cela, il faudrait qu’ils puissent s’exprimer sur les programmes des partis représentés par les candidats. Or, au niveau européen, on ne trouve que des regroupements de partis nationaux, dont les programmes sont écrits de manière à accommoder les divergences de leurs membres. De surcroît, les règles électorales varient selon les pays, avec des scrutins proportionnels qui peuvent être en circonscription unique ou divisée et sur des listes ouvertes ou fermées. Sur la plupart des bulletins de vote, on ne trouve que le nom de la liste et des candidats, sans indication du parti européen auquel contribueront les sièges et encore moins le nom du spitzenkandidat. Il en est de même pour les campagnes électorales.

Des listes transnationales ?

Les élections européennes demeurent morcelées en débats nationaux, où l’appréciation du gouvernement en place l’emporte sur un débat des enjeux européens. Il n’est donc guère surprenant que les citoyens ne connaissent pas les spitzenkandidaten, qui semblent influencer seulement les résultats de leur parti dans leur pays d’origine. Il est presque curieux de les voir s’opposer au sein d’un « débat Eurovision » dans une tentative de communication rappelant une élection présidentielle. Un observateur non averti aurait pu penser un instant qu’il s’agissait du décor du fameux concours de la chanson, programmé le week-end de cette même semaine.

La faible légitimité du spitzenkandidat et l’opposition des Etats risquent de faire pencher la balance en faveur d’une personnalité plus consensuelle, comme Michel Barnier, qui a dû laisser la place à Jean-Claude Juncker en 2014 mais est devenu le visage de l’Europe unie dans les négociations du Brexit. Il est fortement soutenu par le président français et ses chances sont presque au même niveau que le spitzenkandidat officiel. Il est imaginable aussi de voir des noms plus surprenants, comme Christine Lagarde ou Angela Merkel, dont la fin du mandat en tant que chancelière a été annoncée en 2018. Quoi qu’il en soit, il faudrait tirer les leçons de l’échec de ce processus pour réformer plus fondamentalement la représentation au sein de l’UE par les partis européens. Des sièges attribués à des listes transnationales promettent de transformer plus profondément les enjeux électoraux. Une proposition ancienne souvent répétée qu’il faut mettre à l’ordre du jour pour le prochain cycle électoral.

Cornelia Woll est professeure de science politique au Centre d’études européennes et de politique comparée, Sciences Po.

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