Elections en Bavière : « La fin des grands partis »

En Allemagne, ce week-end, tous les regards étaient braqués sur la Bavière, une des plus grandes et riches régions du pays, où 9,5 millions de Bavarois, sur une population de treize millions d’habitants, étaient appelés à voter pour renouveler le parlement.

Avec la présence désormais de six partis au parlement et l’affaiblissement important des conservateurs et des sociaux-démocrates, qui forment la « grande coalition » au niveau fédéral, ces élections marquent la fin d’un modèle en Allemagne. Si la rupture n’est pas aussi profonde que celle vécue par la France en 2017, elle n’en demeure pas moins conséquente. La force de cohésion des grands partis a diminué outre-Rhin ces dernières années, mais plus lentement qu’ailleurs en Europe. Ce développement s’est accéléré récemment avec la montée de l’extrême droite.

Au niveau des Länder, un parti arrivait encore à former seul une majorité au gouvernement. C’était le cas de la Bavière, où l’Union chrétienne sociale (CSU) gouvernait avec la majorité parlementaire absolue, depuis le début des années 1960 – à l’exception d’une période entre 2008 et 2013, avant de regagner la majorité absolue en 2013. Cette hégémonie dans un des Länder les plus importants d’Allemagne était le socle d’une position de force du CSU au niveau fédéral en tant que « parti sœur » de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel, le parti conservateur présent dans toutes les autres régions allemandes. Ce dimanche, la CSU a perdu la majorité absolue en obtenant seulement 37,2 % des suffrages contre 47,7 % en 2013.

Inquiets de leur faible résultat lors des élections fédérales de septembre 2017, et surtout marqués par la percée de l’Alternative pour l’Allemagne (Afd), le parti d’extrême droite devenue la troisième force avec quatre-vingt-douze députés au Parlement fédéral, les conservateurs bavarois ont bloqué le travail du gouvernement au niveau fédéral dans le but de gagner les élections en Bavière. La stratégie de la CSU visait tout d’abord à regagner les électeurs d’extrême droite.

Une génération plus jeune

Son président Horst Seehofer, ministre de l’intérieur fédéral, a demandé un plus fort durcissement de la politique migratoire et déclenché plusieurs conflits au sein du gouvernement ainsi qu’avec la chancelière. De son côté, le ministre-président de la Bavière et tête de liste du CSU, Markus Söder, a ordonné de mettre des croix dans les bâtiments publics, a dénoncé un « tourisme d’asile » et parlé de « la fin du multilatéralisme ».

Cette stratégie semble, cependant, ne pas avoir porté ses fruits, au contraire. Les grands gagnants des élections sont les Verts qui en doublant leur score, de 8,6 % à 17,7 %, deviennent la deuxième force régionale. Leur campagne s’est faite sur un programme à l’opposé de celui de la CSU.

Clairement proeuropéens, militant pour une autre politique d’accueil et d’intégration des migrants, mais aussi pour l’abandon d’une loi sécuritaire qui donne des pouvoirs élargis à la police ainsi que la limitation de l’artificialisation des terres, les Verts ont demandé la construction de nouveaux logements sociaux – la forte hausse des loyers au cours des dernières années est un sujet important en Bavière. De plus, une génération plus jeune a pris le pouvoir au sein du parti : Robert Habeck (49 ans) et Annalena Baerbock (37 ans) à la présidence du parti fédéral et Ludwig Hartmann (40 ans) et Katharina Schulze (33 ans) tous deux têtes de liste en Bavière.

Avec un positionnement très à droite, la CSU aurait perdu, selon les premières analyses, environ 180 000 électeurs en faveur des Verts – ainsi que 180 000 en faveur de l’extrême droite qui entre, avec 10,3 % des suffrages, au 15parlement régional en Allemagne.

Le SPD grand perdant

Une coalition « noire-verte » semble très peu probable. En effet, la CSU va pouvoir former une majorité avec les électeurs libres, les Freie Wähler. Cette force politique conservatrice, bien implantée au niveau communal et composée essentiellement d’anciens militants du CSU, a obtenu un très bon résultat (11,7 %). Avec les Freie Wähler comme partenaire, la CSU ne sera pas forcée de changer profondément sa ligne politique et pourra ainsi rester au pouvoir à Munich.

Les grands perdants de la soirée sont incontestablement les sociaux-démocrates du SPD. Avec seulement 9,6 % des suffrages, ils obtiennent le résultat le plus bas dans toute l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre. Cet ancien grand parti est désormais la cinquième formation au parlement bavarois. Le choc de ce résultat a tout de suite suscité une discussion sur la participation au gouvernement d’Angela Merkel, très contestée dès le début.

Ce n’est pas le seul facteur qui fragilise le gouvernement Merkel. La responsabilité du score historiquement bas du CSU est déjà posée. Le ministre-président Markus Söder tente de faire porter le chapeau à « ceux de Berlin », aux conflits « politiciens » au niveau fédéral et surtout au chef du CSU et ministre de l’intérieur fédéral, Horst Seehofer. Il n’est pas dit que celui-ci accepte d’être le dindon de la farce et qu’il ne préférerait pas plutôt faire voler en éclats le gouvernement fédéral.

Pour autant, il semble que les deux partis conservateurs cherchent à temporiser. Au moins jusqu’aux élections dans le land de Hesse, prévues le 28 octobre, lors desquelles Volker Bouffier, candidat CDU à sa propre réélection, tentera de défendre le pouvoir. Vu l’affaiblissement de la chancelière – dont le candidat Volker Kauder n’a pas été reconduit à la présidence du groupe parlementaire conservateur en septembre –, une perte de pouvoir des conservateurs à Hesse pourrait déclencher une explosion de la grande coalition à Berlin et mettre fin au règne d’Angela Merkel.

Par Jens Althoff, docteur en sciences politiques et directeur du bureau français de la Fondation Heinrich Böll.

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