En Afrique, mettre une distance est un luxe!

En matière de diffusion du Covid-19, il y a un grand point d’interrogation sur l’Afrique tant les méthodes d’investigation sont encore lacunaires. Le Monde Afrique donne toutefois ces jours quelques éclairages sur nos voisins de l’autre côté de la Méditerranée. D’une manière générale, l’extrême densité de population, conjuguée à des systèmes de santé défaillants, à une pénurie probable de médicaments, de vivres, d’eau, est très préoccupante, d’autant plus que les économies africaines sont dépendantes des marchés internationaux et qu’elles subissent aussi la crise que nous connaissons. Dans ce contexte, «mettre une distance entre nous est un luxe dans notre économie informelle et ce n’est pas dans notre culture», nous dit un Africain.

Expérience d’Ebola

Le directeur général de l’OMS, Thedros Adhanom Ghebreyesus, veut «réveiller» l’Afrique alors que 33 pays sont touchés, 640 personnes infectées et 17 mortes en date du 19 mars (selon les statistiques de l’Université Johns-Hopkins). Il est vrai que ce continent a été touché plus tard par des voyageurs rentrés de Chine ou d’Europe. Même si en Afrique du Sud les systèmes de santé sont les plus développés, la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique Matshidiso Moeti est très inquiète. Il y a un manque patent de kits de dépistage. La Chine, très présente, en a acheminé des milliers sur le continent, dont 2000 à un centre dépendant de l’Union africaine. Le virologue camerounais John Nkengasong ne cache pas qu’il y aura une aggravation importante, ce que le directeur de l’OMS ne veut pas dire ouvertement. Madame Moeti attend d’autres kits de sociétés américaines et françaises qui ont développé leurs propres tests.

Jusqu’en février, l’Afrique ne disposait que de deux laboratoires pour identifier ce virus (au Sénégal et en Afrique du Sud); il y en a aujourd’hui une quarantaine. L’Afrique de l’Ouest, forte de son expérience d’Ebola, qui touche à sa fin, est peut-être mieux équipée. Mais le virologue congolais Jean-Jacques Muyembe-Tanfum, codécouvreur du virus Ebola en 1976, est franc: «Avec le Covid-19 nous aurons certainement un taux de mortalité qui avoisinera les 10% (contre 60% pour Ebola), mais un taux d’infection du personnel effrayant… La RDC n’est pas prête.»

Population jeune

Un peu partout, surtout dans les mégapoles où il y a une extrême densité d’habitants (Kinshasa 15 millions, Le Caire 22 millions, Lagos 21 millions, Johannesburg 2 millions), les centres de santé sont défaillants. L’experte en biosécurité Ngozi Erondu (Chatham House, Afrique du Sud) est catégorique: «L’Afrique n’a pas assez de ventilateurs pour sauver des vies, ni même d’équipements de protection pour protéger le personnel. Cela laisse craindre un scénario du pire, avec des taux de mortalité beaucoup plus élevés.» Mais ne désespérons pas de l’Afrique, elle a une population jeune très créative et peu de personnes âgées…

Christine von Garnier, journaliste et sociologue.

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