En capitulant à Lausanne, le régime iranien a payé le prix de son incurie

L’accord de Lausanne du 3 avril 2015, entre l’Iran et le «P5 + 1» (Etats-Unis, Chine, France, Royaume-Uni, Russie, plus l’Allemagne) est un accord unilatéral; l’Iran accepte des obligations en échange de la suspension de certaines sanctions qui continueront à être une épée de Damoclès; le «P5 + 1» est à la fois juge et partie et pourra les rétablir à sa discrétion.

Ces obligations incluent un contrôle total, voire permanent dans certains cas, des installations nucléaires, du fait de l’acceptation par l’Iran du protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire. L’Iran ne disposera plus que d’un seul centre d’enrichissement de l’uranium, situé à Natanz, où seules 5060 centrifugeuses obsolètes de première génération pourront fonctionner.

L’enrichissement de l’uranium ne pourra dépasser 3,75% et les 8 tonnes d’uranium enrichi à plus de 3,75% dont dispose l’Iran devront être converties en combustible.

Le centre souterrain de Fordow sera transformé en un centre de recherche scientifique où les activités d’enrichissement d’uranium seront interdites.

Le réacteur d’eau lourde d’Arak sera transformé de sorte que la production du plutonium y soit très faible.

En échange, seules les sanctions liées au programme nucléaire seront suspendues, selon le texte anglais et français, et non pas «levées» comme l’affirme le régime iranien. Les sanctions liées au programme de missiles et/ou aux activités terroristes et aux violations des droits de l’homme seront maintenues. Quant aux sanctions votées par le Conseil de sécurité, elles feront l’objet d’une nouvelle résolution et ne seront pas toutes levées.

Pourquoi le régime iranien s’est-il vu contraint de signer un tel accord?

Depuis la révolution iranienne, deux tendances se sont toujours affrontées au sein du régime, celle des partisans d’une coopération avec les Etats-Unis et l’Occident et celle des opposants à une telle coopération.

Après l’enlisement des troupes américaines en Irak et en Afghanistan, l’ayatollah Ali Khamenei a décidé de soutenir la tendance hostile au rétablissement des relations avec les Etats-Unis et a imposé par conséquent et frauduleusement M. Ahmadinejad à la présidence de la République (2005-2013).

Les huit années de gouvernance du couple Khamenei/Ahmadinejad ont été un désastre pour l’économie iranienne. Le pouvoir d’achat de 700 milliards de dollars généré par les revenus pétroliers a créé une inflation galopante, contraignant le régime à des importations massives à l’origine de l’effondrement de la production intérieure.

Face à la crise économique provoquée à la fois par l’effondrement de la production intérieure et le renforcement des sanctions occidentales, le régime avait deux solutions:
– soit une évolution démocratique du régime, une restructuration du budget de l’Etat et l’arrêt des installations nucléaires dont le coût a été jusqu’à ce jour astronomique (coûts directs et indirects liés aux sanctions) et qui ne sont pas rentables pour un pays producteur de pétrole;
– soit négocier avec les Américains et capituler dans l’espoir d’une levée des sanctions afin de sauver le régime.

Il est évident que ni M. Khamenei, ni les Gardiens de la révolution, ni les mafias militaro-économiques n’ont voulu de la première solution car celle-ci va de pair avec la souveraineté du peuple.

Par conséquent, tout en poursuivant la politique d’élimination des «réformateurs» (Khatami, Mir Hossein Moussavi, Karroubi et Rafsandjani), Khamenei a amorcé, dès la fin de la présidence d’Ahmadinejad, des pourparlers secrets avec les représentants du président Obama, à Oman.

Le résultat de ces pourparlers secrets a été de faire élire en 2013 Hassan Rohani à la présidence, avec comme principale mission la résolution de la crise nucléaire.

Depuis lors, l’accord de Lausanne a été signé et les deux parties sont en cours de rédaction de l’accord final.

La confrontation entre les deux tendances du régime peut-elle éventuellement provoquer l’échec d’un accord final?

Malgré les pressions quotidiennes dont font l’objet Hassan Rohani et son ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, accusés d’avoir donné le contrôle de l’Iran aux Etats-Unis, peu d’observateurs politiques estiment que Khamenei, sous la pression de la tendance dure, dira non à l’accord final.

Compte tenu de la situation économique actuelle, du mécontentement général et de l’absence de soutien populaire, Khamenei et tous ceux qui se disent opposés à l’accord sont contraints de l’accepter.

L’opinion publique iranienne prend de plus en plus conscience des coûts liés à l’isolement du pays. Ainsi l’Iran ne peut faire valoir ses droits sur les huit champs de pétrole et de gaz dans la zone frontière avec les Etats du golfe Persique.

Du fait des sanctions économiques ne lui permettant pas d’accéder à la technologie nécessaire à la rénovation de ses infrastructures obsolètes, l’Iran est incapable de les exploiter alors que les pays frontaliers en retirent d’immenses profits sans donner sa part à l’Iran. Le préjudice pour ce dernier est estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars.

Le coût de la vétusté des champs pétroliers et gaziers iraniens et celui de la distribution de l’essence sont estimés à environ 700 milliards de dollars et à un gaspillage d’un tiers de l’essence.

Mais Khamenei, seul responsable de cette crise et de son coût pharaonique pour le peuple iranien, n’a pas le courage d’endosser sa responsabilité en posant sa signature au bas de l’accord. Il a capitulé mais veut continuer à s’opposer à des relations normalisées avec les Etats-Unis. La politique établie depuis le début de la révolution – compromis secrets menés sous l’égide du «guide», tout en affichant une défiance de façade à visée de politique intérieure et régionale – sera donc poursuivie. Néanmoins, l’aile «dure» du régime peut compter sur des alliés objectifs que sont le gouvernement saoudien, Netanyahou et les conservateurs américains qui, de l’avis de nombreux observateurs, cherchent également à empêcher à tout prix un accord final.

Une des autres conséquences de l’isolement lié à la crise nucléaire est d’avoir poussé l’Iran à former une alliance avec la Russie et dans une moindre mesure avec la Chine, qui en retirent toutes deux des profits majeurs en achetant le pétrole iranien à moindre prix en échange de biens sans valeur. Allié à la Russie, l’Iran n’est plus en mesure de défendre ses droits sur la mer Caspienne, remis en cause unilatéralement par la Russie, ni d’avoir une politique indépendante vis-à-vis des pays d’Asie centrale.

Face à l’Iran s’est constituée une alliance entre le gouvernement saoudien, les pays arabes du golfe Persique, Israël, les néo-conservateurs américains et dans une certaine mesure l’Egypte, sous prétexte de contrer l’Iran qui serait en mesure de dominer la région avec le «croissant chiite» (Iran, Irak, Syrie et Liban). Ces deux alliances s’affrontent en Irak, en Syrie, au Liban, en Palestine et maintenant au Yémen, en provoquant et en attisant des conflits ethnico-religieux.

Ces conflits reflètent l’équilibre des faibles; aucun de ces pays n’a la capacité militaro-économique de devenir une puissance dominante. Or tous y consacrent des budgets importants qui ne conduiront qu’à les affaiblir durablement, à empêcher toute politique de développement et à entraîner leurs peuples dans des crises meurtrières.

L’exemple de l’Iran est symbolique; alors que sa situation économique est catastrophique et se dégrade de plus en plus, sa présence politico-militaire se résume à donner pétrole, gaz, armes et aides financières à ses alliés.

La question importante qui se pose dès lors est celle-ci: pourquoi ces régimes se sont-ils engagés dans une voie irrationnelle et s’affrontent-ils en bradant leurs richesses?

La principale raison est leur besoin vital de crises extérieures pour leur maintien au pouvoir. Tous brandissent la crainte du chaos pour légitimer leur régime et maintenir les peuples dans l’immobilisme et la peur. La volonté affichée d’Israël de transformer la région en mosaïque ethnico-religieuse, les menaces de guerre américano-occidentales dont les peuples ont pu constater les dégâts immenses en Afghanistan, en Irak et en Libye, les menaces de sanctions économiques dont les peuples sont les principales victimes (Irak, puis Iran) et celles de se retrouver dans les situations dramatiques dans lesquelles vivent les peuples syrien, libyen, irakien… sont l’essentiel des peurs utilisées et attisées par ces régimes despotiques.

La sortie de ces conflits ne peut donc passer que par l’instauration de régimes démocratiques investissant leurs ressources dans le développement de tous sans discrimination et œuvrant ainsi à l’unité nationale.

Abol-Hassan Banisadr, le premier président de la République iranienne.

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