En Irak, la seule solution passe par le confédéralisme

Après l’opération de libération de 2003, nous, habitants de la région du Kurdistan irakien, avons opté pour un authentique partenariat avec le nouvel Irak. Nous pensions que celui-ci serait fédéral et démocratique, qu’il serait régi par un gouvernement fédéral fondé sur le consensus, la prospérité et le partage du pouvoir. Mais comme pour de nombreuses autres promesses faites par la communauté internationale avant et après 2003, le système prévu pour l’Irak s’est soldé par un échec. Substituer à ce type de projet dysfonctionnel un système confédéral bien structuré entre l’Irak et le Kurdistan pourrait représenter pour nous tous une planche de salut.

Bien que nous ayons connu des périodes difficiles lors de l’instauration de notre nouveau gouvernement pluraliste, nous avons développé notre propre système, instauré une économie de marché et approfondi notre démocratie afin d’établir des passerelles avec le reste du monde. Malheureusement, en raison notamment du sectarisme du gouvernement central, nos efforts n’ont jamais été étendus au reste de l’Irak, et notre réussite s’est mise à briller d’un éclat trop vif aux yeux des autorités de Bagdad.

Empêcher l’aggravation du chaos

L’accumulation des échecs dans la relation entre le gouvernement régional du Kurdistan et Bagdad a tout naturellement conduit la région du Kurdistan à explorer d’autres voies. Pourtant, là encore, on nous a refusé le droit de décider de notre avenir. Le peuple kurde possède sa propre culture et sa propre identité. Il chérit les valeurs du pluralisme, de la démocratie et de la coexistence pacifique. Le nier ne pourra qu’avoir des conséquences regrettables. Si l’on souhaite que nous continuions à faire partie de l’Irak, le statu quo doit évoluer. Cette situation d’incertitude, dans laquelle on nous refuse l’indépendance tout en nous privant des droits légitimes qui devraient être les nôtres en tant qu’Irakiens, n’est pas tenable.

La question est de savoir quel sera l’avenir du Kurdistan si l’on nous dénie le droit de nous séparer de l’Irak tout en nous privant de toute alternative nous permettant de vivre en bonne entente avec les autres Irakiens. Est-ce de la realpolitik, une politique de deux poids, deux mesures, ou de la simple hypocrisie ? Les problèmes ne s’arrêtent pas là. Le vide politique et la concurrence malsaine entre différents groupes d’intérêt ont favorisé l’instabilité et ont permis l’émergence du terrorisme. Le gouvernement fédéral et la communauté internationale doivent s’occuper beaucoup plus sérieusement de la situation actuelle afin d’empêcher l’aggravation du chaos.

Bagdad est responsable du manque de ressources et de revenus dans la région, ce qui suscite une grande déception parmi le peuple du Kurdistan, qui estime ne pas recevoir la part qui lui revient. Les sanctions économiques, l’interdiction des vols internationaux et les tentatives de couper le Kurdistan irakien du monde extérieur sont autant de coups supplémentaires portés à l’économie de la région. Les conséquences néfastes de cette situation ne touchent pas seulement les habitants du Kurdistan irakien eux-mêmes, mais aussi près de 1,5 million de personnes déplacées et de réfugiés accueillis dans le sanctuaire kurde. Le partage du pouvoir et des richesses n’a aucune place en Irak.

Se réorganiser sur la base d’un dialogue franc et ouvert

Par ailleurs, les gros titres de presse, qui, ces temps-ci, glorifient l’Irak, ne servent pas le statu quo de manière positive ni ne décrivent correctement la réalité des profonds conflits qui déchirent la région. Prétendre le contraire ne fait que préparer la voie à des problèmes encore plus graves dans le futur. La communauté internationale a la responsabilité de soutenir l’Irak dans son ensemble, elle ne peut appuyer seulement Bagdad au détriment du Kurdistan. Un Kurdistan irakien fort, stable et prospère ne peut que contribuer positivement à l’émergence d’un Irak fort et pacifié qui représenterait un phare de la coexistence dans une région du monde où cela est devenu une rareté.

Kurdes, chiites et sunnites d’Irak ont besoin d’une réorganisation structurelle des liens qui les unissent. L’état actuel de leurs relations ne fait qu’aggraver les tensions entre les différents groupes. Une solution politique prenant la forme d’une confédération est la seule voie possible pour que les différents groupes parviennent à résoudre les problèmes urgents qui se posent aujourd’hui. La seule façon pour l’Irak de parvenir à la stabilité intérieure est de se réorganiser sur la base d’un dialogue franc et ouvert entre les différentes entités qui le composent. Faute de quoi, vu son état actuel, le pays restera instable et sera toujours sur le point de sombrer dans le chaos, ce qui n’est dans l’intérêt de personne.

Par Falah Mustafa Bakir, ministre des affaires étrangères du Kurdistan irakien. Traduit de l’anglais par Gilles Berton.

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