Erasmus +, un succès européen

Devenu, au fil de ses trente années d’existence, un incontestable succès de l’Union européenne, Erasmus a bien failli n’être qu’un programme de mobilité réservé aux enseignants. En 1984, réunis en sommet à Fontainebleau, les chefs d’Etat et de gouvernement européens avaient (déjà) pris conscience de la nécessité de promouvoir une « Europe des citoyens » et réclamé des initiatives en ce sens. C’est l’Italien Domenico Lenarduzzi (chargé de l’éducation au sein de la Commission européenne, puis promu directeur général), qui imagina Erasmus, nom latin de l’humaniste hollandais du XVIe siècle, considéré comme l’une des figures majeures de la culture européenne.

Avant le lancement du programme en 1987, il fallut ­convaincre les universités de coopérer et adapter la législation dans tous les pays pour faciliter la reconnaissance des diplômes. D’autres difficultés apparurent au ­moment de financer le programme et ses bourses. Les gouvernements français, britannique et allemand voulurent alors limiter la mobilité aux seuls enseignants. ­Selon M. Lenarduzzi, François Mitterrand, alors président en cohabitation, débloqua la situation en 1986 en ordonnant à son premier ministre, Jacques Chirac, de « soutenir un financement digne de ce nom au programme ».

Manque de souplesse

Les premières années, Erasmus eut plus de succès auprès des enseignants que des étudiants mais les courbes se sont inversées dès 1990. Au total, plus de 5 millions d’Européens ont participé à l’un des programmes, dont près de 4 millions d’étudiants – parmi lesquels 616 600 Français – et plus de 120 000 enseignants ou ­formateurs hexagonaux, du supérieur mais aussi du ­secondaire et de l’éducation des adultes.

Entre-temps, le programme, devenu Erasmus + en 2014, s’est étendu au reste du monde pour les étudiants en master, grâce à des partenariats signés avec 169 pays, et à de nombreux publics européens, y compris les apprentis, les chômeurs et les migrants. Au risque d’une dispersion. Erasmus + espère néanmoins profiter à 2 millions d’Européens supplémentaires d’ici à 2020.

Le financement a laborieusement suivi. Erasmus a même failli se trouver en cessation de paiement en 2012. Un gros effort a été consenti depuis. Pour la période 2014-2020, le budget total est porté à 16,4 milliards d’euros (contre 3,1 milliards pour 2007-2013), dont 1,26 milliard pour la France. Cependant, la moitié des ­demandes de bourses françaises en formation professionnelle, par exemple, n’ont pu être satisfaites cette année.

« Déficit d’information »

Domenico Lenarduzzi regrette le manque de souplesse qu’impose une programmation budgétaire à six ans qu’il assimile à une « camisole de force », bien qu’une ­révision soit dorénavant prévue à mi-parcours. L’avenir de l’Europe, dit-il, « dépend en grande partie des compétences de ses citoyens et celles-ci doivent être mises à jour en permanence ».

Selon l’enquête Eurobaromètre, publiée en mai, et menée auprès de 10 300 jeunes européens âgés de 16 à 30 ans, 61 % d’entre eux – et 64 % des Français – ont ­répondu par la négative à la question « Souhaitez-vous étudier, suivre une formation ou travailler dans un autre pays européen que le vôtre ? » Tout en notant que la « crise identitaire, démocratique et économique » de l’Union est passée par là, Safi Sabuni, présidente de l’ESN (Réseau des étudiants Erasmus), déplore un « déficit d’information », auprès des jeunes défavorisés ­notamment, sur les opportunités qu’offre Erasmus +. Le 30anniversaire du programme, célébré tout au long de 2017, devrait y pallier.

Martine Jacot, journaliste au Monde.

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