Europe-Chine : l’art de la guerre commerciale

Autant être directs : nous sommes à un an d’une guerre commerciale avec la Chine. Lorsque celle-ci est entrée en 2001 dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une disposition du protocole stipulait que le 11 décembre 2016 les partenaires commerciaux de la Chine devront avoir trouvé une nouvelle méthode de calcul de sanctions du dumping chinois que celle utilisée jusque-là.

Derrière ce changement de méthode, qui paraît anodin, se joue une bataille politique. Car changer de méthode reviendrait, selon de nombreux observateurs, à donner le statut d’économie de marché (SEM) à la Chine, et affaiblirait ainsi nos barrières de protection contre une concurrence déloyale. Ce statut repose, en effet, sur la confiance et le respect d’échanges commerciaux justes avec les partenaires.

S’inspirer de « L’Art de la guerre » de Sun Tzu

Par exemple, les prix et les coûts sont présumés n’être soumis à aucune influence de l’Etat... Il rend aussi toute enquête antidumping plus difficile. Or, en août 2015, sur 37 enquêtes européennes en cours sur des cas de concurrence déloyale, 24 concernaient des produits chinois. On comprend dès lors pourquoi la Chine tient tant à obtenir le SEM...

Nous ferions bien de nous inspirer de L’Art de la guerre de Sun Tzu, dont les cinq éléments menant à la victoire sont applicables au commerce international : la doctrine, le temps, le terrain, le commandement, la discipline.

La doctrine, tout d’abord, implique le respect d’une « unité de pensée ». Que souhaitons-nous ? Protéger nos entreprises face à la concurrence déloyale, ou sacrifier des secteurs industriels pour contenter un partenaire commercial majeur sur la scène internationale ? Les Etats et la Commission européenne doivent afficher leur position.

Il faut savoir agir au bon moment, or nous sommes déjà en retard. Le processus législatif européen durera au moins un an. Le temps nous a déjà fait défaut : quand les Etats-Unis ont instauré, dès le mois de mai 2012, des taxes antidumping pour protéger leur marché contre les panneaux solaires chinois, l’Union Européenne (UE) a attendu le mois de septembre... pour lancer une enquête. Un accord à l’amiable n’a été trouvé avec Pékin qu’en juillet 2013... et il n’a pas été respecté par la Chine. Entre-temps, toute une filière d’avenir européenne a disparu...

Une « étude d’impact »

La bataille se joue pour l’instant sur le terrain des instances européennes. La Commission doit présenter avant la fin de l’année une « étude d’impact » de l’entrée de la Chine dans le SEM. Nous sommes en première ligne et nous le resterons puisque les Etats-Unis ou le Japon bénéficient d’un processus de décision plus court que l’UE. Pourquoi alors ne pas ramener le problème à la source, en défendant devant l’OMC l’idée que l’octroi du SEM n’est pas automatique ?

Quand Sun Tzu parle du commandement, il insiste sur le respect et l’écoute de tous les avis. Ecoutons les entreprises et leurs employés. Pour la Chine, le SEM est un dû. Pour l’Europe, c’est un poids. Plusieurs secteurs industriels se sont groupés pour alerter sur leur probable disparition. Des centaines de milliers d’emplois sont concernés. Nous devons analyser tous les facteurs liés au SEM, et prendre une décision. L’heure viendra où la Commission européenne devra débloquer un fonds d’urgence pour ces entreprises en difficulté. Prévoyons d’ores et déjà un tel dispositif.

Lors de la guerre commerciale sur les panneaux solaires, la Chine a arrêté net les importations de vins français et d’automobiles allemandes. Cela a fonctionné, puisque l’Allemagne a rapidement brisé la discipline commune que l’UE proposait face au dumping chinois. La même situation se produira en décembre 2016.

Quel sera le seuil de tolérance des entreprises et des Etats victimes de mesures de rétorsion chinoises ? Les Etats se résoudront-ils à accorder le SEM à la Chine sous la contrainte ?

Il ne nous reste qu’un an pour répondre à toutes ces questions.

Franck Proust (Député (PPE) européen, membre de la commission « Commerce international »)

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