Européennes 2014, révolution démocratique ?

L’une des nouveautés introduites par le traité est que, lorsque les Etats membres désigneront le prochain président de la Commission européenne, ils devront, pour la première fois, «tenir compte du résultat des élections au Parlement européen». La nomination de ce candidat devra être approuvée par le nouveau Parlement : le président de la Commission est, aux termes mêmes du traité, «élu» par le Parlement. Cela signifie que les électeurs ont un véritable droit de regard en ce qui concerne la personnalité qui sera placée à la tête de la Commission européenne.

Il s’agit, là, d’un changement significatif d’un point de vue symbolique puisqu’il développe l’idée, selon laquelle, les élections européennes ont vocation à influencer la présidence de la Commission. Une logique qui se rapproche de celle existant dans les régimes parlementaires qui sont majoritaires au sein de l’Union européenne.

Cette évolution contribuera à une plus grande «politisation» de l’Union européenne dans le sens noble du terme, en particulier, au travers d’une personnification de la politique européenne. Car, si depuis 1979, le Parlement européen est élu au suffrage universel, «l’Europe» n’a joué qu’un rôle mineur lors de ces élections.

Nous devons saisir cette opportunité pour politiser ces élections, qui, jusqu’à présent, sont malheureusement vues comme des élections de second ordre, qui se traduisent trop souvent par un absentéisme frappant (au moins dans les Etats membres sans scrutin obligatoire) et un vote sanction du gouvernement en place.

A l’heure où la Commission européenne s’est vue confier un certain contrôle sur les budgets nationaux, sa légitimité démocratique se verra renforcée, ainsi que tout le processus décisionnel européen.

Les Européens doivent pouvoir faire un choix clair sur l’avenir de l’Europe. Pour la première fois, les citoyens pourront influencer directement la formation de l’exécutif européen lors du scrutin.

Les élections européennes ne seront plus seulement un débat entre pro et antieuropéens. Il faut que les Européens puissent mettre des visages sur les principales orientations pour l’Europe, ainsi que sur les clivages qui structurent la vie politique européenne. Cela nécessite une confrontation partisane claire entre des approches différentes du fonctionnement, des politiques et de l’avenir de l’UE ; ainsi, ils pourront se saisir entièrement du grand rendez-vous démocratique du printemps prochain.

Une personnification de la fonction permettra de mieux sensibiliser les citoyens aux enjeux des élections européennes et de promouvoir un véritable débat européen. Au final, cela devrait susciter un regain d’intérêt parmi les électeurs. Car, si la politique ne peut se faire sans idées, les idées ne peuvent se traduire sans hommes et femmes pour les incarner.

Si d’aucuns voient dans la politisation de la Commission un risque de perte de son «indépendance», il convient de rappeler qu’une grande partie de ses missions implique des choix essentiellement politiques. Politiser la désignation du futur président de l’exécutif européen ne remet évidemment pas en question l’obligation, pour cette institution, de respecter les traités, y compris, la charte pour les droits fondamentaux. Il en est ainsi de même pour chaque gouvernement national qui est lié par sa constitution.

En plus, rendre la Commission plus politique nécessitera des changements à son modus operandi : l’exécution de certaines fonctions telles que dans le domaine de la concurrence devrait, à terme, être reprise par des agences indépendantes.

On ne peut d’ailleurs que se réjouir que cette initiative soit encouragée par les principaux partis politiques européens, qui se sont engagés à proposer des candidats rivaux pour ce poste, pour mener leurs campagnes à travers toute l’Europe. Parmi eux, figure un Belge, Guy Verhofstadt.

Nous avons l’occasion de faire de l’année 2014, une date charnière dans l’histoire de la construction européenne. Il s’agit, ici, d’une opportunité de promouvoir la construction européenne sur la base d’alternatives politiques claires.

J’ai la conviction que l’Europe ne peut se construire sans la participation de ses citoyens. C’est dans cette logique qu’il faut permettre au citoyen européen de se faire entendre au sein de la démocratie européenne et, ainsi, transformer les élections européennes en véritable débat sur l’avenir de notre continent.

Rendre les différents clivages, qui structurent la vie politique européenne, plus lisibles pour le citoyen apparaît indispensable pour assurer l’avenir du projet européen. La question dès lors posée aux électeurs ne sera plus : «Etes-vous pour ou contre l’Europe ?» mais bien «Quelle Europe voulez-vous ?».

Didier Reynders, Ministre belge des Affaires étrangères

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