Expérimentation animale : pour plus de transparence… et plus de contraintes

Le grand public soutient la recherche sur les animaux à condition qu’elle apporte des avancées réelles pour la santé humaine. Mais il est clair que la majorité des citoyens, n’ayant pas de formation scientifique, fait confiance aux chercheurs quand ils affirment que l’expérimentation animale demeure incontournable. Cependant, la société du XXIe siècle mérite une plus grande transparence, la recherche biomédicale publique étant largement subventionnée par les contribuables.

L’utilisation de modèles animaux constitue le paradigme actuel de la recherche biomédicale. Il est donc évident que si la quasi-totalité des chercheurs (y compris les lauréats du prix Nobel) se focalisent sur des animaux plutôt que sur les données humaines, les avancées biomédicales seront attribuées aux expériences sur des animaux, même si la découverte aurait pu se faire sur du matériel humain (exemples : l’ADN humain, la radiographie, le cathétérisme cardiaque).

Le public n’est pas dupe mais il est peu informé. Que dirait-il en ayant connaissance des faits suivants : l’organisme de l’Union européenne (le Centre européen pour la validation des méthodes alternatives, ou Ecvam) chargé d’évaluer de nouvelles méthodes pour remplacer l’expérimentation animale fonctionne avec un budget dérisoire, ne lui permettant de valider que deux nouvelles méthodes par an. Par ailleurs, le délai lié au processus de validation a comme conséquence que la nouvelle méthode s’avère dépassée par d’autres technologies avant même d’avoir été mise en œuvre. Dans les cas où il existe bien une méthode dite «alternative», la directive 2010/63/UE relative à l’utilisation des animaux à des fins scientifiques n’impose pas l’utilisation de ces méthodes.

Citons l’article 4 de cette directive : «Les Etats membres veillent, dans toute la mesure du possible, à ce que soit utilisée, au lieu d’une procédure, une méthode ou une stratégie d’expérimentation scientifiquement satisfaisante, n’impliquant pas l’utilisation d’animaux vivants» ; et ensuite la charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation animale stipule dans son article 5 : «Les méthodes et techniques visant à supprimer ou à réduire au strict minimum les atteintes aux animaux doivent être systématiquement recherchées. Le développement et la promotion de ces méthodes et techniques doivent être largement favorisés.»

Il s’agit là plus d’une recommandation que d’une obligation. Il n’existe, par ailleurs, aucune sanction, ni aucun dispositif administratif, pour obliger les chercheurs à appliquer une méthode alternative validée, donc disponible. Ayant siégé dans plusieurs comités d’éthique, je constate un manque flagrant de représentants du grand public ainsi que de représentants des associations de protection animale. Même si ces personnes n’ont pas forcément de formation scientifique, elles peuvent se référer ponctuellement à des experts indépendants extérieurs. Cette formule contribuerait à une meilleure transparence.

Enfin, si les 400 signataires de l’article publié le 1er décembre sont honnêtes en se réclamant de la transparence, je les invite à soutenir la création d’une commission d’enquête parlementaire. Le but de cette enquête serait de rassembler des experts scientifiques des deux côtés pour débattre de ce sujet de façon approfondie. Les conclusions de cette enquête devraient aboutir à des recommandations pour faire évoluer les lois qui exigent encore la pratique d’essais sur des animaux.

André Ménache, vétérinaire et conseiller scientifique de l’association Antidote Europe.

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