Face à la crise des migrants, il est urgent de fermer les frontières extérieures de l’Europe

Au début de la Guerre froide, Nehru avait eu cette phrase restée célèbre : « quand deux éléphants se font la guerre, l’herbe est piétinée, mais quand deux éléphants font l’amour, l’herbe est également écrasée »

Aujourd’hui, l’Union européenne ne contient plus qu’un éléphant : l’Allemagne d’Angela Merkel. Sa gestion solitaire de la crise migratoire depuis le début septembre 2015, au lendemain même de la photo de ce petit garçon kurde mort sur une plage de Bodrum, le 4 septembre, a transformé le gazon européen en un véritable champ de ruines. Tout avait commencé par une déclaration d’amour : Madame Merkel, animée des meilleurs sentiments du monde, annonçait sous le choc de l’émotion, que désormais l’Allemagne ouvrait grand ses portes et qu’elle « pouvait le faire ».

Comme on pouvait le craindre, et comme je l’avais prédit à l’époque, la décision allemande entraîna un formidable appel d’air : non seulement pour les dizaines de milliers de migrants déjà en route dès le printemps 2015 depuis la Syrie et l’Irak, mais également pour tous les autres, bloqués dans des camps de réfugiés en Jordanie, au Liban et en Turquie, sans parler des migrants économiques venus d’Afrique du Nord et de l’Est (Soudan, Erythrée), venus s’ajouter en immenses cohortes en direction de l’Allemagne et de l’Europe du Nord.

Au total, 1.8 million de personnes sont entrées, le plus souvent sans le moindre contrôle, sur le territoire de l’Union en 2015, créant des situations humaines, sociales et politiques inextricables, qui ont conduit, telle une cascade de dominos, à la fermeture les unes après les autres des frontières nationales à peu près partout sur le Continent.

1 500 personnes entrent chaque jour en Grèce

Si l’on ajoute à ce désastre, le fait désormais avéré que des terroristes ont pu s’infiltrer dans ce flot de migrants et, pour certains d’entre eux, commencer à perpétrer des attentats (notamment le 13 novembre dernier à Paris), et l’autre fait avéré qui est que l’irruption soudaine de centaines de milliers de jeunes hommes, d’une culture radicalement différente, pouvait poser quelques problèmes de « comportement » dans leurs relations avec la gente féminine européenne, comme on l’a découvert à Cologne, mais également en Suède ou en Finlande à l’occasion des fêtes de fin d’année, la situation a atteint aujourd’hui un degré de gravité sans précédent. D’un côté, le flux des migrants, malgré l’hiver, ne cesse pas, bien au contraire : 1 500 personnes entrent chaque jour en Grèce par la mer, en dépit des conditions météorologiques et de la longue liste des morts. Dès le printemps, on s’attend à un véritable déferlement sur les frontières sud de l’Europe. De l’autre, à peu près tous les pays européens, y compris la France, ont rétabli leurs frontières nationales. Tandis que des conséquences politiques, généralement peu sympathiques, commencent à se faire jour en Europe de l’Est bien sûr (Hongrie, Pologne), mais aussi un peu partout en Europe, y compris dans les États historiquement les plus tolérants (Danemark).

Schengen est effectivement mort

La Chancelière Merkel, désormais bien seule, a semble-t-il trouvé un moyen, il est vrai peu élégant, de sortir de l’ornière où elle s’est elle-même placée, en entraînant d’ailleurs avec elle, le reste des Européens : faire porter le chapeau à la Grèce, accusée de manquer à ses devoirs de contrôles de la frontière extérieure de l’Union. Pour ce faire, la Commission, après des mois d’impuissance, a obligeamment déclenché au mois de novembre dernier, une procédure d’inspection des moyens mis en œuvre par la Grèce, qui sont depuis longtemps, de notoriété publique, quasi-inexistants, de même que sont inexistants les moyens supplémentaires supposés être mis à la disposition de la Grèce par l’UE (surveillance maritime et agence Frontex). La semaine dernière, la Commission a dûment constaté « la négligence grave » du Gouvernement grec prévue par l’article 26 du code Schengen, et les menaces ainsi engendrées pour l’« ordre public ». Dès lors, compte tenu des « circonstances exceptionnelles » prévues par le même texte, l’Allemagne va pouvoir être autorisée en toute légalité à pérenniser, pour une durée de 2 ans, la fermeture de ses frontières nationales. Dispositif, qui soit dit en passant, avait été introduit en 2013 à la demande de Nicolas Sarkozy. Les apparences sont sauves, la légalité est respectée, mais Schengen est effectivement mort.

Dès lors, au mois de mai prochain, l’Allemagne sera juridiquement fermée comme le reste de l’Europe. Quand à la planète des migrants, elle va se concentrer sur la malheureuse Grèce, qui paiera ainsi l’incurie générale des États qui auront laissé perdurer ce désastre humain, faute d’avoir eu le courage de réagir plus tôt.

À jouer les bons sentiments, à organiser le sauvetage en mer plutôt que le retour des embarcations au grand bénéfice des réseaux de trafiquants, les gouvernants européens n’auront fait que concentrer en dernière analyse la misère humaine sur l’un des pays les moins riches de l’UE, qui par ailleurs, est à l’origine de la crise non réglée de la zone euro. Mais il y a plus grave, comme l’histoire de ces dernières années n’a cessé de le démontrer : lorsqu’une porte d’accès est fermée, le flux des migrants se déplace automatiquement vers une autre porte d’entrée. Cette autre porte s’appelle l’Italie, et son point de départ risque fort de se situer sur la bande côtière libyenne de 250 kilomètres de long dans la région de Syrte, déjà passée sous le contrôle de l’Etat islamique (Daesh).

Après des mois d’atermoiements et d’inactions, le tout au nom des bons sentiments, la crise migratoire ne sera pas davantage gérée par la méthode du bouc émissaire que Bruxelles et Berlin sont en train de mettre en œuvre dans l’hypocrisie générale. Elle ne fait en fait que commencer, en risquant de prendre des proportions sécuritaires encore plus graves dans les prochains mois. Il est donc plus que temps que les Gouvernements européens prennent la mesure de la gravité du problème. Qu’ils trouvent le courage de dire la vérité à leurs peuples : à savoir que la stabilité sociale et politique de l’Europe ne survivra pas à l’afflux de millions de migrants supplémentaires, provenant d’Afrique et du Proche-Orient. Que le signal sera donc celui de la reconduite immédiate de toutes les embarcations à leurs points de départ, et non pas de recueil et de transport vers les côtes européennes. Ces gouvernements devront également trouver le courage de se doter des moyens sécuritaires, voire militaires, pour fermer effectivement les frontières extérieures de l’Union. Le tout en accélérant les efforts diplomatiques, pour l’instant inexistants de la part de ces mêmes Gouvernements européens, en vue d’arrêter la guerre en Syrie, qui entre dans sa 6e année, et qui désormais, exporte en Europe et les migrants et le terrorisme.

Pierre Lellouche est député de Paris, conseiller de Paris et délégué général des Républicains aux affaires internationales.

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