Gérer les migrations par la citoyenneté européenne

La question des migrations, immigration et droit d’asile confondus, est devenue la question centrale du débat public européen. Il est vain et inutile de qualifier de populistes tous ceux qui le clament, ou d’irresponsables tous ceux qui le nient et invoquent mille autres raisons pour expliquer la crise européenne. Il est temps de trouver des solutions juridiques permettant de justifier dans un cadre légal la gestion des migrations, tant du droit d’asile que de l’immigration économique, en respectant le droit des personnes. La citoyenneté européenne pourrait offrir le cadre légal qui nous manque.

Aujourd’hui la citoyenneté européenne n’a pas d’existence spécifique hors des Etats-membres: est citoyen européen tout citoyen d’un Etat-membre dont il a la nationalité. C’est donc, en quelque sorte, une citoyenneté «plafond», qui s’ajoute automatiquement à la citoyenneté nationale en offrant quelques rares droits spécifiques.

Pour créer véritablement une citoyenneté européenne il faut la poser comme une citoyenneté «plancher», comprenant certes les nationaux des Etats-membres mais pas seulement. Ainsi le droit du sol et le droit du sang pourraient s’appliquer à la citoyenneté européenne. Par exemple, tous les enfants nés en Europe, même dans les Etats-membres où le droit du sol ne s’applique pas, seraient citoyens européens de naissance. De même, tous les enfants nés à l’étranger d’un citoyen européen pourraient devenir citoyens européens, ce qui encadrerait les règles du regroupement familial.

Mais surtout le statut des réfugiés et des migrants pourrait comprendre une évolution vers la citoyenneté européenne, considérée comme sas d’intégration, en attendant, le cas échéant, l’acquisition plus lointaine et plus complexe de la nationalité d’un Etat-membre, synonyme d’assimilation. On pourrait ainsi imaginer que la future «Agence de l’Union européenne pour l’asile» puisse octroyer la citoyenneté européenne à ceux qu’elle aura sélectionnés. On peut aussi imaginer que la Commission européenne puisse également accorder la citoyenneté européenne à des migrants économiques demandant à résider sur le territoire d’un des Etat-membres, cet octroi s’effectuant sur la base d’un quota défini chaque année, éventuellement sectorisé par catégories professionnelles.

Les droits «européens» octroyés à ces Européens non nationaux d’un Etat-membre seraient identiques aux droits européens des nationaux des Etats-membres: libre circulation en Europe, libre établissement dans les mêmes limites que pour les nationaux, possession d’un passeport estampillé Union européenne, bénéfice de la protection consulaire des Etats-membres à l’extérieur de l’Union, droit de vote aux élections municipales et européennes, accès aux politiques européennes telles que la PAC ou le programme Erasmus, d’une manière générale jouissance de tous les droits réservés aux «citoyens de l’Union» par la Charte des droits fondamentaux.

Les droits ne vont pas cependant sans devoirs. Aujourd’hui les devoirs spécifiques liés à la citoyenneté de l’Union européenne sont inexistants, puisqu’elle est acquise d’office du seul fait de la détention de la nationalité d’un des Etats-membres. Mais pour les nouveaux entrants adultes non nationaux des tests d’admission devraient être prévus: au moins la connaissance élémentaire à l’écrit et à l’oral d’une langue de l’Union, l’engagement de fidélité aux idéaux démocratiques européens, l’abandon de la nationalité d’origine lorsqu’un tel abandon est possible dans ce pays. Par ailleurs, si demain un impôt européen spécifique et surtout une armée européenne devaient voir le jour, le devoir de contribution fiscale et le devoir de défendre la «patrie» européenne deviendraient des contreparties évidentes de l’octroi des droits européens.

En donnant un cadre juridique clair à la question migratoire, la citoyenneté européenne trouverait une signification particulièrement opportune et dynamique, et pourrait même servir de socle à la souveraineté européenne, si souvent invoquée mais à ce jour sans fondement juridique proprement européen.

Par Philippe Cayla, Président d’Européens sans frontières et Noël Chahid-Nouraï, Président du Comité d’orientation stratégique de la European School of Law (Toulouse).

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