Green Deal : « Le modèle européen doit être protégé et partagé »

Premier chantier lancé par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dix jours seulement après sa prise de fonctions [le 1er décembre 2019], le Green Deal européen repose sur trois piliers : d’abord un pilier environnemental, avec la révision des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (de 40 % à 50 % d’ici à 2030) et la neutralité carbone en 2050 pour répondre à l’urgence climatique ; ensuite un pilier social, qui passe par le soutien financier et l’accompagnement des régions de l’Union européenne (UE) encore fortement dépendantes d’activités minières dans leur transition pour qu’elle soit socialement juste ; enfin un pilier économique, avec la mise en place de politiques et d’instruments financiers pour financer la transition énergétique des différents secteurs d’activité.

Mais la politique commerciale européenne est-elle à la hauteur des enjeux affichés ? A l’Organisation des Nations unies (ONU), en septembre 2019, le président de la République Emmanuel Macron déclarait : « Notre jeunesse, parfois nous-mêmes [les chefs d’Etat], ne comprenons plus rien au fonctionnement de ce monde. On veut collectivement reprendre le contrôle. On veut retrouver à la fois de la souveraineté au niveau régional, du contrôle de soi et du sens. Et donc on ne peut plus avoir un agenda commercial qui soit contraire à notre agenda climatique. »

Cette déclaration signifie que nous avons perdu des pans de souveraineté au profit du monde marchand, que la mondialisation n’est plus sous contrôle, qu’elle n’a pas de sens au plan humain, et qu’elle n’est pas cohérente avec l’urgence climatique.

Risque réel et sérieux

Depuis la crise du multilatéralisme et la paralysie de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les accords commerciaux bilatéraux et régionaux se développent. Ces nouveaux accords ne se limitent plus à la simple réduction des droits de douane, mais ont vocation à créer des normes communes au nom de la convergence réglementaire, avec le risque d’un moins-disant social, environnemental ou phytosanitaire.

C’est ce risque, réel et sérieux, qui a suscité les mobilisations lors de la discussion du projet de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement [PTCI, accord de libre-échange également connu sous l’acronyme anglais TAFTA], et finalement son abandon.

Car l’UE a trop souvent fait preuve de naïveté en matière commerciale, faisant de l’Europe le marché le plus ouvert du monde. Réciprocité et promotion des normes sociales et environnementales doivent guider les négociations des accords de libre-échange.

La nouvelle génération d’accords commerciaux ayant vocation à créer des normes communes, le modèle européen doit être protégé et partagé. Les normes sociales (conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail) et environnementales (accord de Paris sur le climat) doivent être contraignantes et opposables au même titre que les clauses commerciales ou techniques.

Pour protéger nos marchés publics, comme le font toutes les régions du monde sauf l’UE, un « Buy European Act » devrait être proposé, à l’instar de ce qui existe aux Etats-Unis pour obliger les acteurs publics à acheter auprès de producteurs et fournisseurs locaux.

Respect des droits humains

Il est grand temps de créer une taxe carbone aux frontières de l’UE. Il s’agirait de taxer au niveau du marché du carbone européen, dont le cours avoisine actuellement les 25 euros par tonne, les produits importés en Europe et rendus compétitifs par le dumping, qu’il soit social, fiscal ou environnemental. Ce qui renchérirait le prix de nombreux biens fabriqués en Chine tels que les métaux, l’électroménager, les véhicules ou encore le verre. Cela implique évidemment que le produit de cette taxe soit entièrement affecté à la transition énergétique et écologique.

La loi relative au devoir de vigilance des entreprises multinationales adoptée en France en février 2017 fait obligation à ces entreprises de démontrer qu’elles veillent au respect des droits humains dans toute leur chaîne d’approvisionnement. Cette loi a été saluée par de nombreux acteurs de la responsabilité sociale des organisations comme marquant un progrès significatif. Et plusieurs pays, notamment les Pays-Bas, ont commencé à s’en inspirer pour adopter à leur tour des législations similaires.

Neuf parlements nationaux de l’UE ont demandé à la Commission européenne de légiférer en ce sens au plus vite (Estonie, Lituanie, Slovaquie, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, France et Grèce), car l’engagement pris en 2011 par la Commission d’élaborer un plan d’action sur la conduite responsable des entreprises n’a toujours pas été respecté à ce jour.

Entre-temps, quatorze Etats membres ont élaboré leur propre plan d’action national, et les Nations unies préparent un traité contraignant sur les entreprises et les droits humains.

Bertrand de Kermel (Président du Comité pauvreté et politique) et Christophe Quarez (Membre CFDT du Comite économique et social européen et du Conseil économique, social et environnemental (CESE))

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *