Haïti, la perle ternie par les catastrophes naturelles

Photo: /Joseph Odelyn Associated Press Des enfants déplacés par le séisme se blottissent sous un morceau de plastique le matin après que la tempête tropicale Grace a balayé Les Cayes, en Haïti, mardi le 17 août 2021, trois jours après un séisme de magnitude 7,2
Photo: /Joseph Odelyn Associated Press Des enfants déplacés par le séisme se blottissent sous un morceau de plastique le matin après que la tempête tropicale Grace a balayé Les Cayes, en Haïti, mardi le 17 août 2021, trois jours après un séisme de magnitude 7,2

Pourquoi Haïti est-elle devenue si pauvre ? C’est l’une des questions que l’on pose très souvent dans les débats sur le niveau de pauvreté dans lequel patauge la partie occidentale de l’île, considérée comme l’une des principales attractions touristiques de la Caraïbe jusque dans les années 1970.

La question est d’autant plus importante que l’île était considérée comme la Perle des Antilles par les colons français, tellement cette ancienne colonie était riche. D’abord en ressources naturelles, l’or en particulier. Ensuite par sa productivité agricole qui lui permettait d’être considérée comme une grande pourvoyeuse de matière première.

La littérature sur l’économie du développement retient de nombreux éléments de réponse à cette épineuse question. Les économistes américains Daron Acemoglu et James Robinson ont surtout mis l’accent sur l’héritage colonial à travers des institutions extractives au profit d’un petit groupe et au détriment de la grande majorité de la population haïtienne, des descendants d’esclaves venus d’Afrique.

Ces institutions extractives et non inclusives ont conduit à la mise en œuvre de décisions politiques inefficaces et à l’absence de politiques publiques cohérentes et efficaces. Elles facilitent aussi la corruption, la mauvaise gouvernance et l’instabilité politique qui ont contribué à l’appauvrissement de la grande majorité de la population.

De lourdes pertes

Toutefois, les tremblements de terre du 12 janvier 2010 et du 14 août 2021 ont mis en lumière un autre facteur primordial que constituent les catastrophes naturelles. En six ans, entre 2010 et 2016, les pertes liées aux catastrophes naturelles s’élevaient à près de 10 milliards de dollars américains, soit 154 % du produit intérieur brut (PIB) nominal du pays pour l’année financière 2019-2020, estimé à 625,6 milliards de gourdes (6,5 milliards $US).

À lui seul, le séisme meurtrier du 12 janvier 2010 avait emporté près de 250 000 personnes, dont des intellectuels de grand calibre qui prendront du temps à être valablement remplacés. Les pertes et dommages matériels s’estimaient en 2010 à 7,8 milliards de dollars américains, soit 117 % du PIB d’alors. C’était surtout le département de l’Ouest, en particulier la capitale haïtienne (Port-au-Prince), qui était le plus touché.

Six ans plus tard, en 2016, l’ouragan Matthew avait fait ses propres ravages dans le Grand Sud, composé des départements du Sud-Est, du Sud, Des Nippes et de Grand’Anse. Les pertes et dommages matériels s’estimaient à environ 2 milliards de dollars américains.

Le séisme du 14 août 2021 vient gravement détériorer le niveau de vie des habitants du Grand Sud, qui étaient encore en train de se relever des conséquences fâcheuses de l’ouragan Matthew en 2016. Tandis qu’à Port-au-Prince, les séquelles du tremblement de terre du 12 janvier 2010 sont encore visibles, particulièrement à Canaan, cette zone qui avait accueilli les sinistrés du séisme et qui s’est vite transformée de façon permanente en un vaste bidonville.

Le passage de l’ouragan Jeanne en 2004 avait occasionné des pertes et dommages matériels évalués à 476,8 millions de dollars américains, soit 7 % du produit intérieur brut (PIB) de l’époque. Quatre ans plus tard, en 2008, Haïti avait subi les méfaits de quatre cyclones majeurs : Faye, Gustave, Hanna et Ike. Les dommages et les pertes s’élevaient à 1,1 milliard de dollars américains, soit 14,6 % du PIB.

Le cyclone Hazel avait entièrement détruit la ville de Jérémie en octobre 1954. Soixante-deux ans plus tard, en 2016, elle a connu le même sort avec Matthew. Alors qu’en 2021, c’est encore pire avec le récent séisme. Et pour ne rien arranger, la dépression tropicale Grâce est en train de s’abattre sur Haïti et les zones sévèrement affectées par le séisme du 14 août 2021.

Le 7 mai 1842, le Grand Nord, particulièrement la ville de Cap-Haïtien, avait subi un tremblement de terre d’une magnitude de 8,1 sur l’échelle de Richter. Les historiens rapportent que la moitié des 10 000 habitants de Cap-Haïtien avaient été tués et que 300 autres avaient péri dans un tsunami qui avait suivi le séisme.

Une trappe

Cette litanie de désastres naturels a conduit à deux principaux résultats en matière de développement économique. Premièrement, elle a appauvri davantage les Haïtiens qui vivaient déjà dans la précarité. Deuxièmement, elle a maintenu le pays dans une trappe de sous-développement qui s’autoentretient et empêche le pays de décoller véritablement. Cette trappe a plombé son développement de façon permanente. Autrement dit, le pays se retrouve dans un perpétuel cycle de recommencements en tombant au plus bas chaque fois.

Selon le Germanwatch Global Climate Risk Index, Haïti était classée au troisième rang des pays du monde les plus affectés par des événements climatiques entre 1995 et 2014. De toute évidence, il y a une corrélation étroite entre pays le plus pauvre et pays le plus affecté par les catastrophes naturelles.

Thomas Lalime, Doctorat en économie.

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